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NUCLÉAIRE (PHYSIQUE) Faisceaux d'ions lourds

Les collisions entre noyaux

Que veut-on faire avec ces faisceaux de projectiles pouvant atteindre une vitesse proche de celle de la lumière ? Bombarder des cibles, c'est-à-dire des noyaux au repos. En vérité, les projectiles sont la plupart du temps ralentis par les nuages électroniques des atomes. Cependant, de temps en temps, c'est-à-dire une fois ou moins sur un million, le projectile rencontre un noyau atomique de la cible. Ce sont les collisions qui interviennent entre les noyaux des ions projectiles et les noyaux de la cible qui intéressent le physicien et le chimiste nucléaires. La vitesse élevée est nécessaire pour que la répulsion due aux charges soit vaincue. Dans ces conditions, les noyaux projectiles qui rencontrent de front des noyaux cibles pénètrent profondément dans ces derniers, et des perturbations importantes de la matière nucléaire en résultent. Au contraire, les projectiles qui frôlent les noyaux cibles induisent des perturbations légères en surface.

À l'échelle des noyaux, aucune méthode d'observation directe de l'objet n'est possible et les informations proviennent de perturbations provoquées par des sondes envoyées sur ces objets. Cependant, les faisceaux d'électrons et même de protons ne provoquent que des « piqûres d'épingle » dans les noyaux. Ils peuvent bien sûr perturber l'organisation des autres protons et neutrons, mais, en général, ils ne bouleversent pas la matière du noyau cible de façon considérable et totale. Pour aller plus loin dans les dégâts, apporter plus d'énergie dans le choc, on pourrait penser qu'il suffirait de disposer de protons accélérés à de plus grandes vitesses. Mais alors les noyaux ne les arrêtent pas totalement, et ont même tendance, lorsque la vitesse croît, à devenir transparents pour ces projectiles trop légers. Une autre solution pour modifier profondément la structure interne des noyaux est donc de faire appel à des projectiles beaucoup plus lourds, et de jouer sur la masse plutôt que sur la vitesse. C'est là le but des ions lourds.

Le tournant s'est amorcé aux environs de 1960, avec des ions de carbone, d'azote, d'oxygène et de néon. Depuis, plusieurs cyclotrons à protons et particules α se sont convertis en cyclotrons à ions lourds, les sources des accélérateurs électrostatiques tandem ont été adaptées à des ions négatifs de carbone, d'oxygène, de soufre et de chlore, et des accélérateurs linéaires ont été construits spécialement pour les faisceaux d'ions allant du carbone à l'argon. Enfin une floraison d'accélérateurs s'est épanouie, parmi lesquels Unilac à Darmstadt en Allemagne, et G.A.N.I.L. à Caen. Ils produisent des faisceaux d'ions de tous les éléments, du carbone à l'uranium.

L'étude du noyau atomique, dans lequel presque toute la matière est concentrée, est cruciale pour le progrès des connaissances scientifiques. Deux idées de base se sont exprimées à travers deux modèles. Le modèle de la goutte liquide est marqué par l'étude des propriétés globales des noyaux (propriétés collectives) et en particulier par l'étude de la fission nucléaire. C'est le modèle des « chimistes », guidé par l'image du noyau, goutte de matière condensée, inspiré par les idées répandues en physico-chimie des milieux condensés, par exemple celles de Jean Perrin et de Paul Langevin sur les phénomènes statistiques d'agitation, sur la tension superficielle, sur le sens de la température, de l'évaporation, des déformations de volumes avec intervention des forces de répulsion entre charges. L'autre modèle est celui à particules indépendantes organisées selon les règles de la mécanique quantique, comme dans le cas des électrons du cortège atomique. Le noyau est un puits de potentiel, c'est-à-dire un espace dans lequel s'exercent des forces. Les nucléons s'agitent dans ce puits selon des mouvements[...]

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Écrit par

  • : professeur émérite
  • : directeur de recherche émérite au CNRS, centre de physique théorique de l'École polytechnique, Palaiseau

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Fusion incomplète de deux noyaux - crédits : Encyclopædia Universalis France

Fusion incomplète de deux noyaux

Fusion complète entre deux noyaux - crédits : Encyclopædia Universalis France

Fusion complète entre deux noyaux

Formes de noyaux - crédits : Encyclopædia Universalis France

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