NUCLÉAIRE (PHYSIQUE) Faisceaux d'ions lourds
Synthèse par ions lourds de nouvelles espèces
La stabilité d'un noyau disposant de Z protons n'est assurée que pour un nombre de neutrons N très strictement limité. Le rapport N/Z est un critère très sensible de la stabilité. Pour les éléments légers (carbone, azote, oxygène, etc.), l' énergie de liaison des nucléons est la plus grande lorsque N = Z. L'association neutron-proton est la base même de l'existence des forces de cohésion nucléaire. Cependant, on trouve souvent non pas une seule valeur de N, mais deux, trois et tout à fait exceptionnellement dix valeurs pour lesquelles les noyaux d'un Z donné sont stables. Ce sont les isotopes. Compte tenu de ces isotopes, on connaît 254 espèces nucléaires stables et 33 radioactives naturelles primaires. Par des réactions nucléaires induites par protons, neutrons ou particules alpha, et, surtout par fission, on a créé, depuis la découverte de la radioactivité artificielle, environ 2 700 noyaux appartenant à 115 éléments (les 90 naturels, puis les transuraniens). Plus le rapport N/Z s'éloigne du rapport de stabilité, plus les noyaux sont instables et ont une durée de vie courte, la tendance à revenir vers la stabilité étant traduite par la transformation spontanée de neutron en proton, ou inversement.
Enfin, on ne peut ajouter indéfiniment des nucléons dans un noyau, et plus particulièrement des protons chargés. La fission en deux fragments plus légers est le phénomène limitant la « péninsule de stabilité ».
Cet inventaire de nos connaissances étant fait, nous savons aussi que nous sommes très loin d'avoir fabriqué tous les noyaux pouvant exister. En effet, on peut estimer à 7 000 le nombre des espèces nucléaires identifiables, c'est-à-dire des ensembles de nucléons tels que tout neutron ou proton inclus dans cet ensemble ait une masse plus faible qu'à l'état libre. La nature même des forces nucléaires, c'est-à-dire des forces de cohésion entre nucléons, est encore inconnue. Or, on devine bien que la connaissance des limites au-delà desquelles il n'y a plus liaison d'un nucléon peut apporter beaucoup pour répondre à la question : pourquoi la matière nucléaire, agglomérat de nucléons, existe-t-elle ?
L'étude des limites du domaine d'existence des noyaux n'est pas la seule raison de produire ces nombreuses espèces nucléaires « exotiques ». S'éloigner des conditions particulières qui règnent dans la « vallée de stabilité » où se rassemblent les noyaux stables, permet de sonder de façon beaucoup plus détaillée la dynamique des forces nucléaires.
Les progrès technologiques des accélérateurs ont permis de synthétiser de nouvelles espèces comme l'étain 100, le nickel 80, les mercures très déficients en neutrons, et, plus généralement, les noyaux de formes anormales, aplatis ou allongés. Les ions moyennement lourds de rapport N/Z proche de 1, du carbone au calcium, se sont révélés comme des outils efficaces de production d'isotopes déficients en neutrons.
Étant donné que, pour les noyaux plus lourds, la stabilité n'est acquise que pour N supérieur à Z (N/Z = 1,536 pour le plomb 208), l'addition à une cible de masse moyenne des nucléons d'un projectile dont N = Z conduira à un noyau composé de N/Z, trop faible pour être stable, donc déficient en neutrons, émetteur β +. Plusieurs centaines de ces isotopes ont été ainsi produits en bombardant des cibles de cuivre, de molybdène, de palladium, de baryum, etc., par des ions de carbone, d'oxygène, de néon ou d'argon.
De plus, en utilisant les réactions de fusion incomplète au cours desquelles de forts échanges de nucléons ont lieu, on peut produire des fragments légers plus riches en neutrons que les projectiles car, au cours du « collage » momentané, un seul rapport[...]
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Écrit par
- Marc LEFORT : professeur émérite
- Bernard PIRE : directeur de recherche émérite au CNRS, centre de physique théorique de l'École polytechnique, Palaiseau
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