NYUGAT, revue
L'histoire de la littérature hongroise au xxe siècle est étroitement liée à celle de la revue Nyugat. De 1908 à 1941, elle fut le réceptacle des tendances littéraires modernes les plus diverses. En tant que mouvement elle se révéla le catalyseur de la création, et en tant que forum des critiques indépendants un modèle de libéralisme et de tolérance.
Son nom, « Occident », est déjà tout un programme : il annonce l'ouverture de l'horizon culturel, rétréci depuis la mort des derniers quarante-huitards, dont János Arany. Leurs épigones vont s'adresser à une noblesse appauvrie, mais se cramponnant à ses privilèges. Ils célébreront, avec beaucoup d'emphase, le passé national redoré pour l'occasion (fêtes de Millénium, 896-1896). Ils façonneront l'image d'Épinal du paysan magyar parfaitement heureux sur sa terre et préféreront ignorer les problèmes des nationalités aussi bien que l'essor économique de la bourgeoisie citadine lié à l'urbanisation de Budapest. Pourtant, c'est là que va se recruter le public de Nyugat, cultivé et cosmopolite. Une valeur universelle, nommée qualité esthétique, remplace désormais les valeurs extra-artistiques : « Tout est permis à l'écrivain, à l'artiste, pourvu qu'ils sachent le faire », déclare le rédacteur en chef Ignotus (Hugo Veigelsberg, 1869-1949). C'est avec lui, le rédacteur Ernö Osvát (1877-1929) et les mécènes Lajos Hatvany (1880-1961) et Miksa Fenyö (1877-1972) que Nyugat mènera sa première lutte pour défendre la poésie d'Ady, attaquée comme « anti-magyare » par le pouvoir politique et tenue pour incompréhensible par le public conservateur non initié au symbolisme baudelairien. Grâce à Osvát, guidé par son flair infaillible et par son incorruptibilité qui lui permettaient de découvrir de nouveaux talents, la revue bimensuelle devient l'organe des écrivains les plus importants jusqu'à nos jours. Le culte de la beauté classique de Babits, la virtuosité de Kosztolányi, la tristesse de la solitude chantée par Gyula Juhász (1883-1937), l'évocation colorée de la grande ville par Árpád Tóth (1886-1928) ou le vers libre archaïsant de Füst alimentent la révolution lyrique déclenchée par Ady. Cette première génération de Nyugat a sa conscience sociale, incarnée par Móricz, sa sensibilité psychologique représentée par la romancière Margit Kaffka (1880-1918) et son pasticheur critique, Karinthy. Traductions, essais et compte rendus rapprochent l'art, la littérature, mais aussi les sciences humaines de cette Europe qui est — pour Ignotus — la voisine de la Hongrie. Ainsi Bergson, Nietzsche et Freud fertilisent-ils très tôt la pensée hongroise. La critique littéraire, souvent subjective, est pratiquée, selon le modèle d'Alfred Kerr, par Fenyö. Elle prend une forme plus sociologique chez Aladár Schöpflin (1872-1950). À partir des années vingt, le ton de la poésie devient plus grave et plus philosophique sous la plume de Lörinc Szabó (1900-1957), de Gyula Illyés ou de György Sárközi (1899-1945). La revue doit lutter contre les attaques du régime Horthy, contre l'antisémitisme, et s'engager dans la bataille qui oppose « urbains » et « populistes » des années trente. L'édition de livres Nyugat a alors pour but d'élargir le champ des lecteurs. L'avant-gardisme de Kassák, la musicalité de la prose de Sándor Márai (né en 1900) ou l'avènement d'une nouvelle génération de poètes, celle de Sándor Weöres, de János Pilinszky (1921-1981) et de Ágnes Nemes Nagy (né en 1922) apportent autant de couleurs diverses. La rigueur scientifique alliée à l'intuition artistique chez László Cs. Szabó (1905-1984), Gábor Halász (1901-1945) et Szerb caractérisent les écrits de la « génération des essayistes » qui relaie celle des critiques impressionnistes[...]
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Écrit par
- Véronique KLAUBER : auteur
Classification
Média
Autres références
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ADY ENDRE (1877-1919)
- Écrit par André KARATSON
- 1 873 mots
- 1 média
Endre Ady, également connu en France sous le nom d’André Ady, est un poète et journaliste hongrois, né le 22 novembre 1877 à Érdmindszent et mort le 27 janvier 1919 à Budapest. Son œuvre est l'un des sommets de la littérature hongroise moderne. On y trouve résumée l'effervescence artistique, intellectuelle...
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BABITS MIHÁLY (1883-1941)
- Écrit par André KARATSON
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Les débuts de Babits coïncident avec ceux de la revue Nyugat : à cette époque, la perspective d'un renouveau général, artistique et politique, tient en effervescence l'intelligentsia hongroise. Tout en épousant sans réticence la cause des Modernes, le poète se limite alors à la recherche des thèmes... -
FÜST MILÁN (1888-1967)
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L'un des pionniers de la revue Nyugatet du mouvement occidentaliste, Füst se voua à l'exploration de la personnalité humaine. Composée en tout d'une centaine de poèmes, son œuvre lyrique se trouve réunie dans un recueil qui constitue la version plusieurs fois revue et augmentée, sous des titres... -
HONGRIE
- Écrit par Jean BÉRENGER , Lorant CZIGANY , Encyclopædia Universalis , Albert GYERGYAI , Pierre KENDE , Edith LHOMEL , Marie-Claude MAUREL et Fridrun RINNER
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...lecteurs. Ainsi Jenő Péterfi, disciple de Taine et traducteur de Platon, et tout particulièrement Mihály Babits (1883-1941), poète, romancier et critique, l'un des fondateurs de la revue Nyugat (Occident) dont il maintient jusqu'à sa mort les grandes lignes directrices, contre vents et marées. - Afficher les 8 références