O.G.M. Les risques
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Les risques environnementaux
Les premiers risques qui peuvent résulter du transfert de gènes dans des organismes entiers concernent les recherches elles-mêmes. Celles-ci sont étroitement surveillées. En France, la Commission de génie génétique (C.G.G.), créée en 1989, est chargée de définir dans quelles conditions de confinement les expériences impliquant des O.G.M. doivent être conduites. Tous les projets, qu'ils soient académiques ou industriels, sont donc évalués par cette commission.
La dissémination volontaire d'O.G.M. dans l'environnement, réalisée à des fins expérimentales, pose des problèmes spécifiques. Celle-ci n'est acceptée que lorsque la culture ou l'élevage des O.G.M. ne comportent que des risques très faibles. La culture en plein champ n'est envisagée que lorsque la culture en serre ne peut plus apporter d'information supplémentaire et lorsque l'O.G.M. est un candidat pour devenir une semence commercialement exploitée. L'examen du comportement de l'O.G.M. dans les conditions réelles d'agriculture est un préalable indispensable pour que la semence en question puisse être validée. En France, ces questions sont traitées par la Commission du génie biomoléculaire, créée en 1993. Celle-ci autorise ou non la culture de telle ou telle plante génétiquement modifiée dans des lieux choisis et sur des surfaces limitées. Aucun essai d'O.G.M. n'a été à ce jour suivi d'une contamination de l'environnement.
La mise en culture à grande échelle à des fins industrielles relève d'autres instances de régulation, complexes et contraignantes, qui opèrent au niveau européen.
La plupart des plantes cultivées sont peu adaptées à la vie sauvage. Le blé et le maïs, par exemple, ne poussent pas durablement sur le bord des routes malgré la présence massive de graines dans le voisinage immédiat. Il en est de même, en général, pour les plantes transgéniques. Certaines plantes O.G.M. peuvent toutefois se croiser avec leurs homologues non génétiquement modifiées (colza, betterave, etc.). Des expériences menées dans les années 1990 ont montré que les plantes sauvages issues d'un tel croisement perdent, dans bien des cas, assez rapidement leurs transgènes pour récupérer l'intégralité du génome sauvage. Certains transgènes peuvent toutefois conférer aux plantes ou aux animaux un certain avantage sélectif, comme la résistance au froid, la capacité de pousser sur des sols salés, etc. Ces plantes peuvent alors devenir envahissantes et menacer la flore locale et la biodiversité.
Un maïs transgénique devenu résistant à la pyrale possède, par rapport à la variété non modifiée, une propriété supplémentaire qui ne lui confère pas d'avantage sélectif. Le maïs O.G.M. va donc se disséminer de la même façon que le maïs conventionnel. Les agriculteurs sont capables, depuis des décennies, de cultiver dans une même exploitation du maïs doux, destiné à l'alimentation humaine, et du maïs grain, destiné aux animaux, sans pâtir de contaminations croisées. La dissémination du pollen de maïs sur de longues distances est très faible et n'a pas de signification en soi. Elle n'a en effet que des conséquences négligeables sur la contamination des cultures. Cela est d'autant plus vrai que le maïs est un hybride. Il ne se ressème pas d'une année sur l'autre, qu'il soit O.G.M. ou non. Des semences nouvelles doivent donc être achetées chaque année par les agriculteurs, ce qui empêche toute contamination des variétés de maïs quelles qu'elles soient. Il est important également de considérer que les repousses spontanées sont rares chez le maïs et qu'il n'existe pas de plante sauvage homologue en dehors du Mexique.
En revanche, le cas est différent pour le colza. En effet, une variété O.G.M. résistante à un herbicide peut persister dans les champs pendant des années et transférer ses gènes à des plantes sauvages susceptibles de devenir, à leur tour, résistantes à l'herbicide. Pour ces raisons, les variétés de colza génétiquement modifiées pour être résistantes à l'herbicide universel, le Roundup, ne sont pas autorisées en Europe.
Des pollinisations croisées entre champs voisins se produisent depuis l'invention de l'agriculture. La présence d'un O.G.M. dans une culture de plante non O.G.M. ne doit pas poser de problème en ce qui concerne la sécurité des aliments, dès lors que la teneur en O.G.M. de ces derniers ne dépasse pas 0,9 p. 100 (le niveau limite dans l'U.E. pour les produits alimentaires) et que l'O.G.M. en question est autorisé par les instances européennes pour la consommation animale et humaine à l'état pur. La même logique devrait pouvoir être appliquée aux produits issus de l'agriculture biologique. L'exigence d'une présence strictement nulle d'un O.G.M. dans les produits biologiques ne peut être considérée comme relevant de la sécurité des aliments, dès lors que l'O.G.M. en question a été reconnu comme sûr par la Commission européenne
La question de la dissémination non contrôlée des animaux génétiquement modifiés ne se pose pas pour ceux qui vivent dans les fermes puisqu'ils sont élevés dans des espaces clos. En revanche, ce problème existe pour quelques espèces aquatiques ou aériennes. C'est pour cette raison que divers poissons transgéniques dont la croissance est accélérée (saumon, truite, tilapia, carpe, poisson-chat) ne font pas encore, dans aucun pays, l'objet d'une autorisation d'exploitation dans des élevages industriels,
Pour éviter la dissémination intempestive des transgènes, chez les animaux comme chez les plantes, une solution pourrait consister à modifier les organismes vivants de manière à ce que leur reproduction soit strictement contrôlée et qu'elle ne puisse se déclencher que par l'administration de substances inductrices. Dans son principe, ce procédé assurerait une protection de l'environnement et un juste retour financier à l'inventeur de la variété transgénique. Cependant, il pourrait aussi offrir au sélectionneur une appropriation excessive d'une variété végétale ou d'une race animale.
Au cours de la transgenèse, afin de sélectionner les cellules végétales ayant intégré le gène étranger, il est souvent nécessaire d'utiliser un second gène conférant un caractère repérable ou permettant une sélection, comme cela est le cas pour la résistance à un antibiotique. Le transfert non contrôlé de tels gènes, utilisés par exemple pour le maïs ou le coton transgénique, aux bactéries du sol a causé quelques inquiétudes. En pratique, ce transfert ne peut avoir lieu qu'avec une fréquence si faible qu'elle est considérée comme parfaitement négligeable par les spécialistes. Une réglementation européenne interdit toutefois, depuis 2004, l'usage industriel de plantes portant des gènes de résistance aux antibiotiques utilisées en médecine humaine. Il existe, par ailleurs, des techniques permettant d'éliminer les gènes de sélection avant la commercialisation des O.G.M. Aujourd'hui, les O.G.M. qui sont décrits dans les dossiers soumis à l'évaluation par les commissions d'experts comportent de moins en moins souvent des gènes de sélection.
Les toxines Bt, provenant de Bacillus thurengiensis, une bactérie du sol, sont très peu stables et elles ne ciblent qu'un nombre très restreint d'insectes. Ces toxines sont en effet des protéines qui se dégradent rapidement et ne résistent pas au système digestif de la plupart des espèces. Les toxines Bt se distinguent donc profondément des pesticides chimiques classiques et leur utilisation peut être considérée comme une des méthodes de la lutte biologique. On trouve ainsi plus d'insectes utiles, comme des coccinelles, dans les champs de maïs Bt que dans ceux où le maïs est traité avec des insecticides classiques. Le coton Bt permet de diminuer très notablement les épandages d'insecticides chimiques toxiques pour de nombreuses espèces animales et pour l'homme.
Le maïs Bt contient par ailleurs en moyenne nettement moins de mycotoxine cancérigène, comme la fumonisine, que le maïs conventionnel ou biologique. En effet, le maïs est d'autant plus sensible à des attaques par certains champignons microscopiques qu'il est déjà agressé par des insectes comme la pyrale. Ces champignons sécrètent des mycotoxines dont certaines sont hautement cancérigènes. Ces dernières sont stables et elles se retrouvent dans l'organisme des consommateurs humains. Les instances réglementaires internationales sont de plus en préoccupées par ces toxines et certaines ont considéré que les plantes Bt pouvaient contribuer significativement à diminuer les risques pour les consommateurs.
Les insectes comme la pyrale devenus résistants à la toxine Bt présente dans les champs de maïs O.G.M. n'ont pas encore émergé alors que ce phénomène est logiquement attendu. On sait en effet que des pyrales résistantes à des toxines Bt existent naturellement. On sait également que la pyrale n'est résistante que si les deux copies du gène qui lui confère cette résistance sont sous une forme mutée. Ces pyrales homozygotes pour le gène de résistance muté peuvent donc émerger en présence de maïs Bt. En pratique, leur émergence est contrôlée grâce à l'utilisation de champs refuges de maïs non Bt qui permettent aux pyrales sensibles à la toxine Bt de proliférer et de se croiser avec celles des champs voisins, qui sont résistantes. Ces croisements donnent naissance à des pyrales hétérozygotes pour le gène et donc sensibles à la toxine Bt. Cette méthode, qui est courante en agriculture, a été mise en œuvre de manière raisonnée et volontaire et cela a permis d'empêcher depuis la fin des années 1990 l'émergence de pyrales résistantes. L'utilisation, dans un futur proche, de maïs contenant simultanément deux toxines rendra l'émergence d'insectes résistants très peu probable.
L' utilisation intensive de l'herbicide Roundup pour éliminer les herbes indésirables des champs d'O.G.M. (en particulier du soja qui contient un gène de résistance à l'herbicide) a commencé à faire émerger spontanément des herbes sauvages résistantes à l'herbicide en question. Ce phénomène ne provient pas d'un transfert du gène de résistance du soja aux herbes sauvages, mais d'un effet classique de la pression de sélection imposée par la présence de l'herbicide. L'émergence de ces herbes sauvages doit être maîtrisée pour éviter que l'herbicide, apprécié pour son caractère universel et sa faible toxicité, ne puisse plus être utilisable comme désherbant.
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Écrit par
- Louis-Marie HOUDEBINE : directeur de recherche, unité de biologie du développement et reproduction, Institut national de la recherche agronomique
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Voir aussi
- MONOPOLE
- POLLINISATION
- ALLERGÈNE
- HERBICIDES ou DÉSHERBANTS
- INSECTICIDES
- RISQUES ALIMENTAIRES
- RÉSISTANCE, biologie
- BREVETABILITÉ DU VIVANT
- TOXINES
- PYRALE DU MAÏS
- MYCOTOXINE
- RECHERCHE BIOMÉDICALE
- RISQUES SANITAIRES
- ALIMENTAIRE LÉGISLATION
- SEMENCE
- FRANCE, droit et institutions
- PLANTES TRANSGÉNIQUES ou PLANTES GÉNÉTIQUEMENT MODIFIÉES (PGM)
- ALIMENTS
- ALIMENTAIRE HYGIÈNE ou HYGIÈNE NUTRITIONNELLE
- CROISEMENT, biologie
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