OASIS
La création des oasis
Il ne suffit pas d'expliquer comment on se procure l'eau dans telle oasis pour rendre compte de l'ensemble des problèmes géographiques que pose l'existence de cet espace intensivement cultivé au milieu d'étendues steppiques ou désertiques.
Dans les régions arides, une partie seulement des cours d'eau allogènes a fixé des oasis. Dans les régions sèches d'Amérique et d'Australie, mais aussi en Asie centrale, au Moyen-Orient et en Afrique, existent de nombreuses vallées qui auraient pu être transformées en oasis, même dans le cadre de techniques « traditionnelles » ; mais les eaux qui s'y écoulent n'ont pas encore fait l'objet d'une utilisation pour la culture. La possibilité de disposer d'eau en quantité abondante apparaît donc comme une condition nécessaire mais non pas suffisante pour expliquer la création des oasis. Il importe donc de porter une grande attention aux conditions historiques qui ont rendu possible la mise en œuvre de techniques culturales relativement intensives et perfectionnées.
Ces techniques variées ont été le fait de groupes humains caractérisés par des structures économiques, sociales, culturelles et politiques qui ont déterminé l'organisation méthodique et cumulative des efforts du groupe en fonction de finalités productives ; ce sont les « sociétés hydrauliques », pour reprendre l'expression chère à certains historiens. Ce problème, qui n'est pas spécifique des oasis, c'est celui que posent les grandes vallées tropicales. Celles de l'Asie des moussons en particulier sont aujourd'hui des espaces extrêmement peuplés et intensivement mis en valeur, car des techniques complexes assurant la maîtrise de l'eau ont pu être mises en œuvre sur de vastes étendues par des groupes nombreux et bien organisés ; en revanche, beaucoup de vallées de la zone intertropicale n'ont pas connu cette mise en culture intensive, et cela pour des raisons historiques complexes.
Les oasis qui n'ont pu être créées que par des travaux importants (travaux de terrassement, construction de puits, de galeries, etc.), bien que parfois très anciennes, ne peuvent absolument pas être considérées comme des faits essentiellement « naturels » : elles résultent d'efforts considérables poursuivis de générations en générations, sous la direction d'appareils d'État qui ont procédé soit à la mobilisation de la population active pour des tâches précises minutieusement coordonnées, soit à l'apport systématique d'une main-d'œuvre d'esclaves. Ces constructions ont nécessité l'investissement de capitaux très importants. Ces oasis ont été créées et entretenues dans le cadre de politiques économiques dont les États ont été historiquement les agents essentiels.
Ces différences de situation historique expliquent la très inégale répartition des oasis au sein de la zone aride. Ainsi, par exemple, il existe un très grand contraste entre la partie nord du Sahara où les oasis sont très nombreuses (chapelet des oasis du piémont saharien et semis des oasis disposées plus ou moins loin à l'intérieur du désert) et la bordure méridionale de ce désert où elles sont beaucoup plus rares et moins importantes. Ce contraste résulte des différences économiques et politiques qui existaient, au Moyen Âge, entre le nord et le sud du désert.
Le Sahara a été traversé pendant des siècles par les « routes de l'or » qui reliaient les gisements aurifères exploités sous le contrôle des empires noirs (le Ghāna fut le plus célèbre) aux cités marchandes du Maghreb, point de convergence des commerçants chrétiens et musulmans.
Les organisations caravanières maghrébines (association d'appareils d'État et d'aristocraties tribales) ont mis en place et développé ce semis d'oasis dont le[...]
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Écrit par
- Yves LACOSTE : docteur ès lettres, professeur à l'université de Paris-VIII-Saint Denis
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