OCCULTISME
L' occultisme est apparu au xixe siècle sous deux aspects d'importance et de valeur fort inégales : philosophique et sociologique.
En tant que syncrétisme hâtif et superficiel, diffusé et vulgarisé par l'une des plus abondantes littératures mystico-magiques de tous les temps, l'occultisme présente peu d'intérêt philosophique et scientifique, et l'on peut critiquer sévèrement un mouvement qui ne fut pas étranger à la confusion des langues et des valeurs dont souffre encore l'esprit moderne. En tant qu'il témoigna cependant d'une généreuse et saine réaction de la libre recherche contre les excès dogmatiques de l'enseignement positiviste et du matérialisme « scientiste », l'occultisme constitua, en revanche, un phénomène psychologique et social aussi riche en vivantes conséquences et en expériences intérieures authentiques qu'il fut infantile, maladroit et naïf dans sa formulation théorique. Par là, il constitue une contestation des critères de l'actuelle civilisation technologico-scientifique et pose le problème de la permanence d'une « religiosité seconde » que ne satisfont plus les enseignements des grandes religions traditionnelles et qui demeure étrangère aussi bien aux théories de la science qu'aux abstractions des nouvelles philosophies.
L'occultisme mérite donc de retenir l'attention du sociologue et du psychologue, dans la mesure où il a rendu évidente l'existence d'une pathologie culturelle et, en quelque sorte, d'une sous-alimentation spirituelle, au sein du confort intellectuel et matériel de la civilisation occidentale.
L'origine du mouvement
Dérivé de l'adjectif « occulte » (du latin occultus, « caché »), le terme d'occultisme est apparu assez récemment dans les années qui ont suivi la mort de son inventeur Éliphas Lévi (A. L. Constant, 1810-1875). L'usage de ce substantif a consacré un sens inadéquat qu'un humaniste du xvie siècle, H. C. Agrippa, avait vulgarisé par le titre même de son traité célèbre : De occulta philosophia. Dans cette compilation de seconde main furent présentés, en effet, sous les apparences d'un seul système philosophique, des enseignements fort divers par leur origine historique et leur signification mystique et religieuse : pythagoriciens, gnostiques, kabbalistiques, hermétiques, alchimiques, astrologiques et magiques, orientaux et occidentaux. Si ces doctrines avaient en commun le caractère ésotérique et initiatique de leur enseignement intérieur et traditionnel, elles n'étaient « occultes » ou « cachées » qu'au sens même où toute connaissance d'accès difficile peut l'être à des non-initiés et où toute vérité d'ordre essentiellement intérieur le demeure à l'homme extérieur qui ne sait point l'observer ni la contempler.
Le syncrétisme érudit d'Agrippa, expression du désir des humanistes de contribuer à la résurrection du « savoir perdu » de l'Antiquité, s'est prolongé ainsi jusqu'à l'occultisme de la fin du xixe siècle où il s'est traduit sous des formes plus populaires, en relation intime puis en conflit ouvert avec un mouvement « orientalisant », le « théosophisme », né en 1875, lors de la fondation en Amérique de la Société théosophique par Helena Petrovna Blavatsky et le colonel Olcott.
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Écrit par
- René ALLEAU : historien des sciences et des techniques, ingénieur conseil
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