OCCULTISME
Les occultistes de la Belle Époque
Dans un ouvrage important pour l'histoire de l'occultisme dans les dernières années du xixe siècle, Les Compagnons de la Hiérophanie, Victor-Émile Michelet a retracé avec beaucoup de talent les aventures chevaleresques et les conditions souvent pittoresques d'une quête juvénile et enthousiaste du « savoir perdu » grâce à laquelle devait apparaître le mouvement occultiste de la Belle Époque, illustré principalement par les œuvres de Stanislas de Guaïta (1861-1897), Joséphin Péladan (1850-1915), Paul Sédir (Yvon Le Loup, 1871-1926), Grillot de Givry (1874-1929), Paul Choisnard (1867-1930), Ernest Bosc (1837-1920), Albert Jounet (1860-1923), Marc Haven (Dr Emmanuel Lalande, 1868-1926), Charles Barlet (Albert Faucheux, 1838-1921) et, enfin, de Papus (Dr Gérard Encausse, 1865-1916), le plus fécond des auteurs « occultistes » et le plus efficace des propagandistes de cette école « néo- spiritualiste ». Ce groupe rassemblait en outre des peintres, des romanciers, des médecins, des pharmaciens, des chimistes, certains libraires-éditeurs, comme Chamuel, rue de Trévise, des bibliothécaires, comme Augustin Chaboseau ; ce dernier joua un rôle important dans la fondation par Papus de l'« Ordre martiniste », dont le « suprême conseil » fut constitué en 1891.
Les trois influences majeures qui s'exercèrent sur l'occultisme furent l'œuvre d'Éliphas Lévi, dont Barlet avait été l'un des disciples, celle de Saint-Yves d'Alveydre (1842-1909), auteur de L'Archéomètre et « inventeur » de la notion de « synarchie » et, enfin, l'enseignement spirituel d'un thaumaturge, thérapeute et mystique lyonnais d'origine savoyarde, Philippe Vachot, connu sous le nom de « Maître Philippe ».
Ce fut aussi en liaison avec la branche française de la Société théosophique, mouvement international dont le quartier général fut établi à Bombay en 1879 puis à Adyar (Madras) en 1882, que fut publié en 1887 le « manifeste » de Papus intitulé L'Occultisme contemporain. Papus était en rapport amical, à cette époque, avec F. K. Gaboriau, directeur de la revue théosophique Le Lotus rouge. Par la suite, Papus, opposant la « tradition helléno-chrétienne occidentale » à l'enseignement « orientalisant » du théosophisme, devait rompre publiquement avec la Société théosophique.
Malgré ces dissensions et ces polémiques, l'occultisme et le théosophisme présentaient entre eux d'évidentes analogies dans leur propos majeur : « Rappeler au monde le principe de la fraternité humaine et combattre le matérialisme », ainsi que le proclama la fondatrice de la Société théosophique, H. P. Blavatsky. Il s'agissait donc bien de mouvements néo-spiritualistes qui avaient l'un et l'autre des liaisons intimes avec la franc-maçonnerie et, en ce qui concerne ce que René Guénon a nommé, fort justement, le « théosophisme » pour le distinguer de la théosophie traditionnelle, des rapports étroits avec les intérêts anglo-saxons dans le monde, en particulier dans l'empire des Indes.
Sur le plan doctrinal, on peut dégager un autre caractère commun à l'occultisme et au théosophisme : la confusion extraordinaire des systèmes, des dates et des œuvres, des conceptions philosophiques, religieuses et scientifiques. Établir la fraternité humaine sur des bases intellectuelles et culturelles aussi discutables et combattre la cohérence des systèmes matérialistes en lui opposant une telle incohérence du spiritualisme ne pouvait que renforcer, au contraire, les thèses adverses et accentuer une division grave entre la science, la philosophie et la religion.
À la différence de l'occultisme et du théosophisme de la Belle Époque, les études érudites spécialisées qui ont été publiées depuis le milieu du xxe siècle[...]
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Écrit par
- René ALLEAU : historien des sciences et des techniques, ingénieur conseil
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