OCCUPATION (France)
Les représentations de la France des « années noires » oscillent entre l'image héroïque d'une France martyre et unie et celle, honteuse, d'une France de Vichy et s'accommodant de l'ennemi. Or « la » France, sous l'occupant, n'était pas une, elle était, à des degrés divers, contre la collaboration et aspirait à sa libération. Cette France sert de support à la France de la Résistance et s'est finalement reconnue en elle. Ce processus de dissidence, d'opposition, de résistance commence en juin 1940 et se termine en 1944. Réaction patriotique et politique, il prend des formes variées, spontanées et organisées, civiles et militaires, selon les zones, les milieux et les moments. Il s'est nourri du délitement du régime de Vichy, des victoires alliées et des contraintes multiples imposées à une population soumise à une spectaculaire régression matérielle et morale.
La catastrophe (été de 1940)
La défaite militaire et l'invasion allemande provoquent la désintégration du pays entre mai et juin 1940. L'exode met des millions de Français sur les routes. Paris est déclarée « ville ouverte » le 14 juin. Les Allemands déferlent jusqu'en Gironde et au-delà de Lyon. Cette catastrophe relativise la conduite des soldats qui ont fait front (85 000 tués) et qui, par exemple, ont contenu sur les Alpes les Italiens, entrés en guerre le 10 juin. L'effondrement est aggravé par l'annonce de la demande d'armistice le 17. Négocié à Rethondes, dans le wagon qui a servi en 1918, signé le 22 avec les Allemands et le 24 avec les Italiens, l'armistice prend effet le 25 à 0 h 30.
Ses clauses, calquées sur ce qui avait été imposé aux Allemands en 1918, sont sévères (limitation du potentiel militaire, occupation partielle, etc.), mais on craignait pis. Hitler cherche à neutraliser la France. Il veut avoir les mains libres pour contraindre le Royaume-Uni à cesser le combat, puis engager la guerre contre l'U.R.S.S. Le maintien d'un gouvernement « souverain », contrôlant l'Empire colonial et dirigé par un personnage aussi respecté que Philippe Pétain, lui est utile. C'est pourquoi la dramatique attaque de la flotte de guerre française par les Britanniques à Mers-El-Kébir (Oran), le 3 juillet, pour éviter que les Allemands n'en prennent le contrôle, puis la tentative anglo-gaulliste de s'emparer de Dakar et de l'Afrique-Occidentale française le conduisent à laisser au gouvernement de Vichy la disposition des bâtiments qui lui restaient. Cette inflexion, intervenant alors que la bataille d'Angleterre se solde par un échec (juillet-octobre 1940), donne quelques illusions à Laval et au Maréchal et contribue à leur choix de la collaboration d'État. Celle-ci vise à desserrer l'étau financier et économique qui asphyxie la France (entretien des troupes d'occupation, mark surévalué de 50 p. 100, achats à bon compte de biens et d'entreprises) et à la positionner dans la perspective de la paix à venir. Elle restera un choix constant des divers gouvernements de Vichy jusqu'en 1944. Mais l'occupant dispose de moyens de pression efficaces sur eux. Les principaux sont le million et demi de prisonniers de guerre, transférés dans le Reich durant l'été, et la ligne de démarcation. Courant de la Suisse à l'Espagne sur 1 200 kilomètres, elle coupe la France en deux. Plus ou moins ouverte selon les exigences du vainqueur, elle place la zone non occupée (Z.N.O.) en situation de dépendance. Quant à la zone occupée (Z.O.), qui recouvre les 45 p. 100 les plus économiquement utiles du pays, elle est soumise, selon l'armistice, aux droits de la puissance occupante. Contrôlant l'administration française, les Allemands en sont les maîtres. Vichy entérine souvent, voire anticipe, leurs décisions, y compris les pires, dans le but de préserver sa souveraineté, ainsi l'instauration par les[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Jean-Marie GUILLON : professeur émérite des Universités
Classification
Médias
Autres références
-
ABETZ OTTO (1903-1958)
- Écrit par Jean BÉRENGER
- 332 mots
Important dignitaire nazi, artisan dès avant 1933 d'une réconciliation franco-allemande en particulier avec Jean Luchaire et Fernand de Brinon, Otto Abetz eut pour rôle essentiel d'occuper, de 1940 à 1944, le poste d'ambassadeur d'Allemagne à Paris. Sa mission avait un double caractère qui dépassait...
-
AFFICHE ROUGE L'
- Écrit par Stéphane COURTOIS
- 2 508 mots
- 2 médias
En février 1944, une gigantesque affiche fut placardée dans les principales villes de France par les services de la propagande allemande. Sur un fond rouge se détachaient en médaillon les visages de dix hommes aux traits tirés, avec une barbe de plusieurs jours. En haut de l'affiche, on pouvait...
-
ARMISTICE DE 1940
- Écrit par Guy ROSSI-LANDI
- 935 mots
- 1 média
L'armistice franco-allemand signé à Rethondes le 22 juin 1940 par le général Huntziger et le général Keitel reste l'un des sujets les plus controversés de l'histoire de la Seconde Guerre mondiale. La « drôle de guerre » a pris fin le 10 mai 1940 avec l'invasion de...
-
ART SOUS L'OCCUPATION
- Écrit par Laurence BERTRAND DORLÉAC
- 7 408 mots
- 2 médias
Le 22 juin 1940, la convention d'armistice ratifiait la victoire de l'Allemagne nazie. Le 9 juillet 1940, le ministère de la Propagande du IIIe Reich donnait au vaincu un avant-goût du sort qu'il lui réservait : la France ne serait pas considérée comme une « alliée » mais jouerait en Europe... - Afficher les 27 références