- 1. Une mémoire précoce
- 2. La mémoire de Vichy : de la Libération à la fin des années 1960
- 3. Nouvelles approches au tournant des années 1970
- 4. La mémoire de la Résistance en retrait
- 5. Le mythe du résistantialisme et la réception de « La France de Vichy » de Robert Paxton
- 6. Une vision plus complexe au début du XXIe siècle
- 7. Bibliographie :
OCCUPATION (FRANCE) Mémoires et débats
Le mythe du résistantialisme et la réception de « La France de Vichy » de Robert Paxton
Comme l'écrit Stanley Hoffmann, les Français n'ont jamais cru en leur for intérieur au mythe d'une France unanimement résistante. Toutefois, le fait que la Résistance ait été minoritaire durant toute la période ne signifie pas qu'elle ait été marginalisée, ni marginale. Il est clair qu'au printemps de 1944 la Résistance emporte l'adhésion de Français qui ne sont pas nécessairement enclins à prendre des risques mais sont gagnés à sa cause. Une fois retombée l'euphorie de la Libération, il est probable que les Français n'ont pas confondu ce qui s'était passé durant les années d'Occupation avec l'embrasement des semaines de la Libération.
La glorification de la Résistance ne doit pas conduire à penser que les Français se sont laissés abuser sur ce qu'avait été leur attitude durant la guerre. D'ailleurs, cette vision glorieuse dure peu. Comme l'a montré l'historienne Sylvie Lindeperg, le cycle des films héroïques inauguré par La Libération de Paris s'épuise dès la fin de l'année 1946. Parfait exemple du résistancialisme – un concept forgé par Henry Rousso pour désigner le mythe d'une France qui aurait été unanimement résistante –, Le Père tranquille de René Clément (1946), qui raconte l'histoire d'un homme semblant accepter l'Occupation tout en dirigeant un réseau de résistants, illustre surtout « la liquidation de la veine épique, preuve que l'exaltation des premiers mois commençait à retomber à la manière d'un soufflé ». Dix ans plus tard, le film Un condamné à mort s'est échappé, de Robert Bresson, montre la Résistance comme une aventure solitaire, spirituelle, mentale. De 1946 à 1958, la filmographie ne donne pas à voir une Résistance héroïque. Plus encore, la sortie en salle en 1959 de La Vache et le prisonnier de Henri Verneuil et de Babette s'en va-t-en guerre de Christian-Jaque révèle que les débuts de la Ve République s'annoncent propices aux comédies sur la Seconde Guerre mondiale. Ainsi, La Grande Vadrouille (1966) s'éloigne encore plus du traitement compassé de la période. Puis, en 1983, la dérision fait irruption dans le cinéma sur les « années noires » avec Papy fait de la résistance de Jean-Marie Poiré.
Point de Résistance sacralisée donc sur les écrans. Mais alors comment expliquer que le livre de Robert Paxton soit présenté encore aujourd'hui comme la mise à mort d'un tabou ? D'abord, parce qu'il s'agit d'une étude inédite sur l'État français, ses dirigeants et leur politique. Ensuite, parce que l'historien propose un implacable réquisitoire qui entre en résonance avec les interrogations que la société française post-68 nourrit sur son passé. En effet, le roman de Joseph Kessel, L'Armée des ombres, porté à l'écran par Jean-Pierre Melville en 1969, intéressa moins que les analyses concernant les responsabilités propres de Vichy et de ceux qui avaient soutenu le régime.
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Écrit par
- Laurent DOUZOU : membre senior de l'Institut universitaire de France, professeur des Universités en histoire contemporaine à l'Institut d'études politiques de Lyon
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Médias
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