OCÉAN ET MERS (Vie marine) Vie dans les grandes profondeurs
La vie dans les grandes profondeurs
Les peuplements des profondeurs ne comportent évidemment pas de végétaux. Parmi les micro-organismes, l'existence de formes chimiolithotrophes libres ou symbiotiques est très remarquable : elle permet le développement de peuplements originaux dont la survie est indépendante des apports trophiques venant des couches éclairées et repose sur l'énergie libérée par l'oxydation, par des bactéries, de substrats comme l'hydrogène sulfureux H2S et le méthane CH4. En effet, dans les grandes profondeurs, la base de la pyramide alimentaire est constituée par le matériel organique particulaire provenant de la couche éclairée de surface : débris de cadavres d'animaux, notamment de grands animaux comme les cétacés, et, surtout pelotes fécales constituées d'algues phytoplanctoniques en partie digérées et enfermées dans une fine membrane. Ces pelotes fécales, dont le diamètre varie d'une cinquantaine à une centaine de millièmes de millimètre, assurent le transfert de matière organique de la surface vers les grandes profondeurs. Au cours de leur chute, qui peut durer de deux à trois mois, les pelotes fécales sont attaquées par des bactéries. Les variations saisonnières de la production phytoplanctonique de surface (poussée printanière) sont parfaitement reflétées, quelques mois plus tard, en grande profondeur : dans le golfe de Gascogne, cela se traduit, trois mois après la période de floraison printanière de surface, par l'accumulation de particules organiques dans les dépressions des sédiments. Ces accumulations organiques sont rapidement consommées par les organismes limivores. Certains animaux utilisent ce signal d'origine géophysique pour maintenir certains biorythmes, notamment la reproduction. Parmi les invertébrés benthiques, les animaux mangeurs de sédiment (limivores) constituent la majorité ; les formes suspensivores sont rares, sauf dans les régions accidentées où existent des courants de fond. Les formes limivores montrent une certaine aptitude à sélectionner la pellicule superficielle du sédiment la plus riche en matière organique : ainsi, chez les holothuries abyssales, la teneur en matière organique du tube digestif est de quatre à six fois plus élevée que celle de la couche superficielle des sédiments alentour. En outre, une microflore intestinale spécialisée capable de s'attaquer avec succès à des composés organiques particulièrement stables complète l'équipement enzymatique de ces espèces. Il existe également, en particulier sur les fonds rocheux, des animaux qui se nourrissent de particules en suspension, comme les cœlentérés et les échinodermes (crinoïdes, stellerides). Limivores et suspensivores ont un régime microphage.
On rencontre enfin deux groupes d'animaux charognards qui ont fait preuve de remarquables adaptations biologiques (constitution de réserves énergétiques, baisse de métabolisme pendant les jeûnes prolongés, reprise d'activité rapide en présence d'effluves organiques, capacité de déplacement orienté) : il s'agit de poissons comme les macrouridae, les requins et les chimères, et de crustacés amphipodes géants (jusqu'à 25 cm de longueur). Les poissons vivent à proximité immédiate du fond, alors que les amphipodes se tiennent à plusieurs dizaines de mètres au-dessus du fond. La biomasse de ces charognards excède notablement les potentialités trophiques des invertébrés microphages. L'explication de ce paradoxe a été avancée depuis longtemps, mais sa démonstration est récente : ces organismes tirent l'essentiel de leur alimentation des carcasses des grands animaux morts en surface (céphalopodes, poissons, reptiles et mammifères marins). On estime que la biomasse des charognards est du même ordre de grandeur que celle des animaux microphages.
Il existe dans les grandes[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Lucien LAUBIER : professeur émérite à l'université de la Méditerranée, Marseille
Classification
Médias
Autres références
-
ACCUMULATIONS (géologie) - Accumulations marines
- Écrit par Jean-Pierre PINOT
- 7 916 mots
- 26 médias
Les accumulations marines résultent soit de la sédimentation, soit de la construction biologique (cf. récifs).
La sédimentation est l'abandon de matériaux meubles en cours de transport. L'agent de transport, s'il s’exerce de manière temporaire, donne lieu à des accumulations...
-
ACIDIFICATION DES OCÉANS
- Écrit par Paul TRÉGUER
- 2 201 mots
- 5 médias
Par sa capacité à dissoudre les gaz atmosphériques responsables de l'effet de serre, l'océan joue un rôle essentiel dans la régulation du climat. Toutefois, l'absorption de l'excès de dioxyde de carbone (CO2) rejeté par les activités humaines (anthropiques) depuis 1850...
-
ADRIATIQUE MER
- Écrit par Encyclopædia Universalis
- 692 mots
La mer Adriatique est un bras de la mer Méditerranée situé entre les péninsules italienne et balkanique. À son extrémité sud-est, le canal d'Otrante la relie à la mer Ionienne. Elle mesure environ 800 kilomètres de longueur, avec une largeur moyenne de 160 kilomètres, une profondeur maximale de...
-
AMÉRIQUE (Structure et milieu) - Géologie
- Écrit par Jean AUBOUIN , René BLANCHET , Jacques BOURGOIS , Jean-Louis MANSY , Bernard MERCIER DE LÉPINAY , Jean-François STEPHAN , Marc TARDY et Jean-Claude VICENTE
- 24 158 mots
- 23 médias
Les plaines côtières de l'Atlantique et du golfe du Mexique se suivent du New Jersey au Yucatán. Leur genèse est étroitement liée à l'évolution de l'Atlantique et aux transgressions et régressions marines qui se sont succédé depuis le Jurassique. - Afficher les 130 références