OCÉAN ET MERS (Vie marine) Vie dans les grandes profondeurs
Les peuplements des suintements froids
Les peuplements des suintements froids, fondés comme les précédents sur la chimiosynthèse de bactéries symbiotes, ont été découverts plus tardivement : le premier exemple de tels peuplements a été mis en évidence en 1984, par 3 270 mètres de profondeur, au pied de l'escarpement de Floride. Là, des sorties d'un fluide sursalé, chargé d'ammoniac, d'hydrogène sulfuré, de chlorures et de méthane nourrissent des peuplements dominés par deux vestimentifères du genre Escarpia et des grandes moules. Dans ce cas, les sorties de fluide résultent de la circulation karstique à l'intérieur de la falaise calcaire. La molécule réduite utilisée par les bactéries symbiotes serait le méthane biogène. Son rôle n'est pas douteux dans un autre peuplement exubérant découvert par 600 mètres de profondeur au large de la Louisiane, dans une zone où existent des épanchements naturels d'hydrocarbures pétroliers, et notamment du méthane et d'autres composés légers : les grands bivalves qui vivent dans ces peuplements contiennent des bactéries symbiotes capables d'oxyder le méthane, des bactéries méthanotrophes. Le méthane a été également évoqué pour expliquer la richesse des peuplements découverts dans les fosses de subduction de l'archipel nippon : là, entre 1 000 et 6 000 mètres, des oasis de grandes bivalves du genre Calyptogena (plus de six espèces différentes ont été reconnues et décrites dans cette région) marquent l'emplacement des suintements d'eau interstitielle expulsée des sédiments profonds comprimés par les forces de subduction. Cette eau est chargée de méthane provenant de la dégradation anaérobie de la matière organique contenue dans les sédiments. En réalité, le méthane n'est pas utilisé par les bactéries symbiotes des Calyptogena, qui sont des bactéries sulfo-oxydantes. En effet, la circulation interstitielle provoque l'établissement de conditions anaérobies sous la surface des sédiments habités ; des bactéries sulfato-réductrices trouvent là des conditions favorables, et réduisent les sulfates de l'eau de mer en libérant de l'hydrogène sulfuré (H2S) ; à leur tour, les Calyptogena récupèrent l'H2S natif grâce à leur pied charnu, qui atteint une douzaine de centimètres de longueur. Comme leurs cousines des peuplements hydrothermaux, les tissus des bivalves contiennent des cristaux de soufre provenant de l'oxydation de l'hydrogène sulfuré, et les enzymes de l'oxydation du soufre ont été détectées, alors que celles du méthane font défaut. On connaît également des cas où une même espèce de grands bivalves, Bathymodiolus, se révèle capables d'héberger les deux types de bactéries symbiotes, sulfo-oxydantes et méthylotrophes, qui se développent en réponse à la source de composés réduits présente dans le milieu. Ces peuplements de suintements froids atteignent ponctuellement des biomasses de quelques dizaines de kilogrammes par mètre carré, comparables à celles des peuplements hydrothermaux. Surtout, ils occupent des surfaces incomparablement plus grandes, comme dans le golfe de Guinée, face à la République démocratique du Congo. Composés d'espèces proches, souvent congénériques, ces peuplements ont vraisemblablement eux aussi une production élevée.
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Écrit par
- Lucien LAUBIER : professeur émérite à l'université de la Méditerranée, Marseille
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