OCÉANIE Histoire
Les transformations des populations insulaires
À l'arrivée des Européens, les îles du Pacifique étaient toutes peuplées, sans qu'il soit possible bien sûr de connaître avec précision le nombre des indigènes, d'où des évaluations fort divergentes suivant les auteurs et une tendance parfois peut-être à exagérer le chiffre initial. Quoi qu'il en soit, il est frappant de constater que, dès les premiers contacts avec les Européens, les populations autochtones ont amorcé le plus souvent un déclin démographique qui a parfois mis leur existence même en péril. Aux Fidji, par exemple, il y avait 150 000 Mélanésiens vers 1860 et seulement 85 000 en 1921, tandis qu'aux Salomon et aux Nouvelles-Hébrides on tombait, dans la même période, de 150 000 à 180 000 habitants à 60 000 pour le premier et à 40 000 pour le second archipel. En Nouvelle-Calédonie, il y eut peut-être 60 000 habitants, mais dès 1860 on n'en comptait plus que 27 000, et 16 000 en 1900. Aux Marquises, enfin, des 25 000 à 30 000 Polynésiens en 1840 il n'en restait plus que 2 255 en 1926. Les mêmes observations pourraient être faites à l'île de Pâques, à Tahiti, aux Australes, aux Samoa, etc. Le pire a peut-être été le cas des Hawaii où il n'y avait plus, en 1900, que 39 656 Hawaiiens, en y comprenant 9 857 métis, alors qu'y vivaient de 200 000 à 300 000 indigènes à l'arrivée de Cook. En revanche, d'autres archipels ont beaucoup mieux résisté, comme les Tonga, Wallis-et-Futuna, les Loyauté, les Cook et probablement les Gilbert et Ellice.
Les causes de l'effondrement démographique des indigènes
Les causes de ce recul sont multiples et peut-être doit-il beaucoup en fait à une certaine fragilité liée à l'isolement même, à un phénomène qu'on pourrait presque appeler d'« endémisme humain ». En tout cas, cette fragilité s'est manifestée de façon frappante face aux maladies nouvelles véhiculées par les arrivants. On pense bien sûr à la syphilis (était-elle vraiment nouvelle partout ?), à la lèpre (le terrible « mal chinois » aux Hawaii où le père Damien s'est dévoué jusqu'à sa mort aux exclus de Kalaupapa), aux maladies pulmonaires dont la progression a peut-être été facilitée par l'adoption de vêtements, certes décents, mais peu adaptés au climat. En fait, les grandes hécatombes sont liées à des épidémies : la variole, la rougeole, la coqueluche, diverses formes de choléra et de dysenterie, la grippe même se sont succédé souvent et ont creusé des brèches épouvantables. La mortalité a été accrue directement ou indirectement par un goût immodéré pour l'alcool de populations dont la seule boisson à caractère stupéfiant était jusque-là le kava. Enfin, dans les guerres traditionnelles, les pertes se sont élevées à la mesure de l'efficacité des armes européennes qui ont constitué un temps l'élément de commerce le plus recherché avec l'alcool. De plus, dans certains archipels, guerres (Nouvelle-Zélande) et révoltes contre les Européens (Nouvelle-Calédonie) ont coûté cher.
Il y a eu aussi des transferts de population indigène, par exemple vers les plantations sucrières du Queensland australien (1848-1904), vers celles des Fidji ou encore vers les mines de Nouvelle-Calédonie. Le recrutement, parfois sous contrat régulier, mais parfois aussi dans des conditions rappelant la traite négrière (« chasse aux merles »), a particulièrement affecté certains archipels comme les Salomon ou les Nouvelles-Hébrides, dont des régions côtières entières ont été dépeuplées. Parmi les pires négriers, il faut en tout cas placer les expéditions chiliennes et péruviennes (1860-1890) qui ont ratissé l' île de Pâques, les Marquises et nombre d'îles, jusqu'aux Tonga et aux Gilbert, afin de fournir de la main-d'œuvre pour[...]
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Écrit par
- Christian HUETZ DE LEMPS : professeur, directeur de l'UFR de géographie, université de Paris-IV-Sorbonne
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