OCÉANIE Histoire
Le partage du Pacifique
Sur le plan politique, la première conséquence de l'arrivée des Européens a sûrement été l'unification des îles ou archipels partagés jusque-là entre des chefs ou roitelets rivaux traditionnellement en guerre les uns avec les autres. C'est en général le chef le plus habile à tirer parti des techniques militaires européennes, le plus adroit pour s'assurer le concours de « conseillers » européens, voire l'appui par exemple des missionnaires, qui a su réaliser cette unité. On peut citer, aux Hawaii, Kamehameha Ier, « le grand », qui accueillit Cook alors qu'il n'était qu'un des jeunes chefs de l'île d'Hawaii et régna jusqu'en 1819 après avoir mené à bien sa difficile œuvre d'unification, comme le firent de leur côté Pomaré Ier à Tahiti, ou George Tupou Ier aux Tonga (ancêtre de la monarchie actuelle de l'archipel). Ces monarchies étaient cependant bien faibles avec leurs institutions « à l'européenne » et la nécessité de recourir à des conseillers blancs pour les faire fonctionner. En tout cas, elles n'avaient aucun moyen d'assurer leur indépendance lorsque l'une ou l'autre des grandes puissances coloniales souhaitait étendre sa domination.
Dans le Pacifique, la répartition des archipels entre les empires coloniaux s'est faite parfois pour des raisons stratégiques, parfois pour répondre aux sollicitations de nationaux déjà installés, planteurs, marchands ou surtout missionnaires, et souvent pour éviter tout simplement que l'annexion ne fût faite par un autre pays. Le cas de la Nouvelle-Zélande est caractéristique, puisque la Grande-Bretagne annexa l'archipel en 1840 (traité de Waitangi) par crainte d'être devancée par les Français et sur la demande notamment des missions protestantes inquiètes de la pénétration catholique. Cette annexion entraîna d'ailleurs rapidement les Britanniques dans des guerres très dures avec les Maoris (1844-1872). Ceux-ci une fois éliminés, la Nouvelle-Zélande put s'ouvrir très largement à une colonisation britannique qui en fit une petite Albion des antipodes, puisque, au début du xxe siècle, les Maoris ne comptaient plus que pour 6 p. 100 à peine de la population.
La France de la monarchie de Juillet et du second Empire, disposant d'une marine active et désirant soutenir les missions catholiques contre les protestants anglo-saxons, s'implanta aux Marquises dès 1842, établit son protectorat sur Tahiti en 1843, annexa la Nouvelle-Calédonie en 1853 et les Loyauté en 1866. La IIIe République mena une politique coloniale très dynamique dans le Pacifique, annexant Tahiti et les Tuamotu (1880), les Australes (1881), les Gambier (1882), Wallis-et-Futuna (1886) et enfin les îles Sous-le-Vent (ouest des îles de la Société) en 1886. Par comparaison, la Grande-Bretagne, qui, il est vrai, avait beaucoup à digérer par ailleurs, semble avoir agi surtout pour bloquer l'expansion de la France et de l'Allemagne, et pour satisfaire ses grandes colonies du Pacifique, l'Australie et la Nouvelle-Zélande (devenues dominions depuis 1901 et 1907). Après les Fidji (1874), elle annexa le sud-est de la Nouvelle-Guinée (1884) et le sud-est des Salomon (1886), les îles Cook (1888), les Gilbert et Ellice (1892) et les Tonga (1900). Elle s'inquiétait en fait de la progression de l'Allemagne dans le sud-ouest du Pacifique, celle-ci ayant, en 1884-1885, réussi à s'implanter au nord-est de la Nouvelle-Guinée et dans l' archipel Bismarck ( Nouvelle-Poméranie et Nouveau-Mecklembourg, devenus par la suite Nouvelle-Bretagne et Nouvelle-Irlande). Plusieurs territoires étaient source de conflit entre l'Allemagne et la Grande-Bretagne : l'ouest des Salomon où finalement, en 1899, Bougainville et Buka furent attribuées[...]
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Écrit par
- Christian HUETZ DE LEMPS : professeur, directeur de l'UFR de géographie, université de Paris-IV-Sorbonne
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