Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

OCÉANIE Les arts

De tous les arts improprement dits « sauvages », parce qu'ils échappent aux canons esthétiques ressassés en Occident, les arts d'Océanie offrent la plus grande variété, tant du point de vue de la forme que de celui de la couleur. À la multiplicité des expériences humaines tentées sur le plan des institutions comme sur celui des structures répond celle du jeu de la lumière, des volumes présents ou absents ainsi que celle des techniques. Il n'y a rien que puisse réclamer comme sien l'art moderne occidental, que l'Océanie n'eût imaginé avant lui à ceci près que le métal lui était inconnu ; par contre, pour le mélange de matériaux différents et pour les « collages », cette région du monde a fait mieux que nous, en particulier en ce qui concerne le maniement des glus et des résines végétales.

Cette richesse d'invention n'a malheureusement pas été étudiée comme elle aurait dû l'être. À part quelques auteurs allemands ou hongrois, en particulier le baron Ludwig von Biro (golfe Huon et île Tami), la très extraordinaire production artistique recueillie par les premiers observateurs l'a été au seul titre de curiosité, ou de présentations idolâtres. Les magnifiques sculptures polynésiennes conservées au British Museum ont dû leur survie au désir d'un missionnaire de la London Missionary Society, John Williams, qu'elles échappent à l'autodafé public réservé aux effigies divines par les évangélistes polynésiens : pour que sa démarche ne soit pas interprétée défavorablement par les nouveaux convertis, Williams fut obligé d'attacher les « idoles » aux vergues du navire missionnaire et de s'engager à les envoyer en Angleterre en témoignage de l'accession à la vraie foi de leurs anciens sectateurs.

Le premier résultat de la curiosité des Blancs, curiosité soutenue sinon renforcée depuis, aura été d'emplir les collections publiques et privées de dizaines de milliers d'œuvres d'art dont la plupart sont inconnues du public. Il n'y a nulle part, même si l'on totalise tous les moyens disponibles, de surfaces d'exposition permettant de les présenter. Jusqu'à présent, peu d'œuvres ont été publiées, et l'on s'est trop souvent contenté de reproduire les mêmes, privilégiant certaines formes aux dépens d'autres, créant de toutes pièces un classicisme océanien qui n'a jamais existé. De ce point de vue, et par manque de connaissances, quoique la situation s'améliore progressivement, aucune synthèse proposée ne justifie la valeur scientifique à laquelle elle prétend. Nos propres tentatives n'ont pas fait exception à cette règle.

Aux lacunes évidentes de notre science, il convient d'ajouter le manque de sérieux dans la méthode. L'histoire de l'art occidental se fonde à la fois sur l'analyse de l'œuvre et sur tout ce que l'on sait des circonstances l'ayant entourée. L'art océanien ne nous livre aucune donnée événementielle scientifiquement précise, sinon à de rares occasions, au cours des dernières années, juste avant que certaines formes d'art ne se commercialisent (Australie du Nord, Vanuatu, Maprik). Les archives manquent ou, si elles existent, restent à dépouiller, entreprise peu tentante puisqu'on sait que seuls quelques détails (essentiels peut-être) y sont enfouis au milieu de l'amas incohérent de sottises écrites par des générations successives d'Européens installés sur place, et dont le statut social était imaginé en fonction d'un mépris affiché pour les cultures locales. Si la première génération d'Occidentaux avait eu de la curiosité, les suivantes n'ont témoigné que d'incoercibles a priori. Les moins dramatiques n'ont pas été ceux des spécialistes ; c'est ainsi que Bronislaw Malinowski, qui a commenté superbement les postures érotiques aux[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : professeur au Muséum national d'histoire naturelle, directeur du laboratoire d'ethnologie, directeur d'études à l'École pratique des hautes études (Ve section, sciences religieuses : religions de l'Océanie)

Classification

Médias

Océanie : aires stylistiques - crédits : Encyclopædia Universalis France

Océanie : aires stylistiques

Tête de <em>moai</em> - crédits : J. Kraft/ Shutterstock

Tête de moai

Autres références

  • ASIE (Géographie humaine et régionale) - Espaces et sociétés

    • Écrit par
    • 23 142 mots
    • 4 médias
    ...d'archipels qui ourlent la façade pacifique des terres continentales asiatiques. Mais elle n'est pas sans complexités car l'Asie est en contact avec les pays de l'Océanie, dont les possessions américaines (les Mariannes par exemple). Le peuplement historique de la Micronésie, de la Mélanésie et de la Polynésie...
  • AUSTRALIE

    • Écrit par , , , , , , , , et
    • 27 355 mots
    • 29 médias
    Pays massif, l'Australie oscille entre deux qualificatifs : est-elle la plus grande île de la planète ou son plus petit continent ? Elle représente 85 % des terres émergées de l'Océanie, immense continent maritime.
  • AUSTRONÉSIENS

    • Écrit par
    • 919 mots

    Pris dans un sens strict, les Austronésiens forment un groupe ethnolinguistique considérable dispersé de Madagascar aux îlesHawaii et recouvrant la totalité de l'Indonésie, de la Malaisie et des Philippines, la quasi-totalité de la Mélanésie et de Formose, et enfin la Micronésie...

  • CHEFFERIE

    • Écrit par et
    • 2 929 mots
    Laréflexion sur les systèmes politiques océaniens reste dominée par un retentissant article de Marshall Sahlins (1963), qui, plusieurs fois republié et devenu un classique, oppose le système dit du big man, caractéristique de la Mélanésie, où le statut de chef s'acquiert par des efforts personnels,...
  • Afficher les 33 références