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OCÉANIE Les arts

Le Moyen-Sepik

Face à la permanence plastique Mundugumor, le Moyen-Sepik offre le plus grand nombre d'innovations. Il faut reconnaître que cette désignation commode est avant tout géographique, que son contenu est mal défini et qu'elle recouvre, sinon une méconnaissance des pièces – elles sont plusieurs milliers, dont la plupart n'ont été ni décrites ni publiées –, du moins une grande ignorance du détail des variations stylistiques. Il y a en effet tout lieu de croire que les emplacements actuels des villages ne sont pas très anciens. La matière est si riche qu'elle mériterait une étude diachronique, à partir de la littérature spécialisée allemande en premier lieu, et fondée sur les collections datées de la même époque, pour proposer une première répartition stylistique, avant d'en définir une autre pour les années trente, puis une dernière pour les années cinquante. Il s'agit là d'un énorme travail, qui seul permettrait d'utiliser toute la documentation accessible et éviterait l'habituelle confusion des descriptions courantes, qui, faute de mieux, en sont réduites à considérer l'art du Sepik comme le donné global d'un peuple sans histoire.

Pour le moment, l'art du cours moyen du Sepik se définit par rapport aux témoignages esthétiques côtiers, plus stéréotypés, à l'art du Yuat entrevu et à la vacuité rencontrée sur le cours supérieur du fleuve.

Quand on a pu examiner quelques centaines de pièces on est convaincu d'être en présence d'un des hauts lieux de l'imagination plastique, tant l'innovation y est multiple et constante, échappant aux possibilités d'une description et résistant à toute tentative typologique. Décrire les pièces les unes après les autres ne peut qu'appauvrir la réalité. Il est de fait qu'on se trouve dans une région où existait une véritable prime à l'innovation, le prestige de l'individu dépendant, entre autres, de la nouveauté des pièces sculptées qu'il arborait sur lui, ou chez lui, ou auxquelles il participait du fait de son groupe. La notion de propriété esthétique était tout à fait développée, à tel point qu'on achetait éventuellement le droit de reproduction, à moins qu'on ne s'en emparât de vive force en éteignant les protestations de l'intéressé par un meurtre ; le simple pillage permettait d'ailleurs de transférer une forme à distance et de lui donner une fonction nouvelle, sans se préoccuper de celle qu'elle pouvait avoir au point d'origine. La faculté d'acquisition pouvait d'ailleurs porter sur un seul élément d'un ensemble, élément qui participait alors à la recomposition d'une forme complexe différente de celle d'où il était issu en premier. Le prestige étant partagé entre le créateur et l'acheteur de toute œuvre particulière, une telle situation, qui ne nous dépayse pas, nous permet d'entrevoir la raison de la véritable explosion plastique qu'ont léguée les riverains du Sepik.

Moins difficile à suivre est la convergence de styles divers, le long du Sepik, qui créaient à proximité de son cours médian un réservoir de formes d'où l'on pouvait tirer les éléments de compositions renouvelées en permanence. On commence seulement à connaître les aires stylistiques. Encore attend-on pour chacune l'ouvrage définitif qui lui fera justice : Murik Lagoon, Ramu, Grass Country, Keram, Korewori, Tshuosh, Iatmul, Tchambuli, Abelam, Washkuk, Maprik. On se reportera, pour le détail, aux excellents travaux de l'école de Bâle (Félix Speiser, Paul Wirz, Alfred Bühler) qui a pris, avec persévérance, la relève des précieuses études allemandes de la fin du xixe et du début du xxe siècle. Des contributions sont annoncées en provenance du musée d'Ethnographie de Bâle, s'ajoutant aux efforts[...]

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Écrit par

  • : professeur au Muséum national d'histoire naturelle, directeur du laboratoire d'ethnologie, directeur d'études à l'École pratique des hautes études (Ve section, sciences religieuses : religions de l'Océanie)

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Médias

Océanie : aires stylistiques - crédits : Encyclopædia Universalis France

Océanie : aires stylistiques

Tête de <em>moai</em> - crédits : J. Kraft/ Shutterstock

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