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OCÉANIE Les langues

Interprétations et perspectives

Les observations de J. R. Forster, compagnon de Cook, étaient intéressantes pour l'époque (1778), sinon tout à fait nouvelles. Il remarquait l'unité du polynésien, son apparentement avec le malais, et l'opposait aux nombreuses langues mélanésiennes. Selon lui, la linguistique venait confirmer l'idée que deux races d'origines et de langues différentes coexistaient dans le Pacifique. Cette thèse devait être combattue un siècle plus tard par des savants disposant d'une documentation plus étendue. Successivement, Hans Conon von der Gabelentz, H. Kern et W. Schmidt montraient l'apparentement de certaines langues mélanésiennes entre elles, et avec le polynésien. Mais surtout, l'excellent The Melanesian Languages (1885) du missionnaire anglican R. H. Codrington attirait l'attention sur l'unité structurelle d'une trentaine de langues situées au cœur de la Mélanésie (archipels des Salomon et du Vanuatu) et montrait leurs nombreuses similitudes avec des langues de Polynésie, de Micronésie et de l'océan Indien. Codrington affirmait avec force l'unité de la famille austronésienne et la place centrale qu'y occupent les langues mélanésiennes, au nombre desquelles pourraient figurer le malais et le polynésien ; les emprunts entre ces différents groupes avaient eu lieu, selon lui, entre langues d'une même famille. Mais l'idée d'une famille « malayo-polynésienne » opposée aux langues de Mélanésie fut reprise au début du xxe siècle (W. Churchill) et a encore des défenseurs. Le plus illustre fut S. Ray, pour qui les Noirs de Mélanésie parlent des langues papoues (non austronésiennes) plus ou moins teintées d'indonésien. Une théorie analogue est avancée par M. Leenhardt dans Les Langues du monde (1952) ; selon lui, la similitude des possessifs singulier ku, mu, na dans toute l'Océanie serait peut-être due à « l'envahissement du commerce indonésien ». Le classement de ces langues selon des critères raciaux est admis de nos jours dans certains ouvrages généraux où les faits sont encore présentés comme au xviiie siècle.

Les recherches en linguistique océanienne ont pris leur essor depuis 1945 et se poursuivent notamment à Londres, à Paris (C.N.R.S.), dans les universités d'Australie, de Nouvelle-Zélande et d'Hawaii.

L'austronésien commun

La première reconstruction du vocabulaire et du phonétisme de l'austronésien commun est due à O. Dempwolff (1938). Mais elle est fondée surtout sur les langues indonésiennes, plus archaïques seulement sur certains points (conservation des consonnes finales). Elle néglige le groupe formosan et ne voit dans l'océanien commun qu'une forme simplifiée de l'austronésien. Les reconstructions doivent s'opérer d'abord à l'intérieur de ces trois groupes.

Essai de classification

Les langues d'Océanie sont classées en plusieurs sous-groupes : Nouvelle-Guinée orientale, îles de l'Amirauté, Nouvelle-Bretagne, Nouvelle-Irlande, Bougainville, Choiseul, Nouvelle-Géorgie, Nouvelle-Calédonie, Océanie orientale. Ce dernier sous-groupe comprend le nord et le centre du Vanuatu, les îles Banks, le sud des Salomon, Fiji, Rotuma et la Polynésie ; certains auteurs y joignent le micronésien. L'océanien oriental est le mieux connu, le plus riche en langues dispersées géographiquement et a certainement tenu une place trop importante dans les reconstructions de l'océanien commun. Les recherches récentes de A. Haudricourt sur une région plus marginale, la Nouvelle-Calédonie, permettent de penser que l'océanien connaissait six ordres d'occlusives (bilabiales, dentales, rétroflexes, palatales, vélaires, uvulaires) et trois séries (nasales, semi-nasales, orales). Le traitement de ces ordres dans le nord de la Calédonie explique comment ont pu persister les erreurs sur le classement[...]

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