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OCÉANOGRAPHIE

Naissance de l’océanographie

À la fin du xviiie siècle et au siècle suivant, à l’initiative des États, à des fins de connaissance mais aussi de colonisation, les Français et les Anglais entreprennent des voyages d’exploration des océans qui associent marins et naturalistes. Ces expéditions révèlent des aspects nouveaux du monde, de sa géographie. Elles permettent, en particulier, dès la moitié du xixe siècle, une assez bonne cartographie des grands courants océaniques. L’hydrographe français Antoine Marie Rémi Chazallon (1802-1872) publie, en 1839, le premier annuaire des marées. En 1855, Matthew Fontaine Maury (1806-1873), officier de la marine américaine, exploitant les observations météorologiques des journaux de bord des navires, établit des cartes de vents et de courants de l’océan Atlantique, les vents étant générateurs des courants marins de surface.

Spirale d’Ekman - crédits : Encyclopædia Universalis France

Spirale d’Ekman

C’est à la même époque que s’élabore la théorie des courants océaniques. Au cours de l’expédition du Fram, dans l’Arctique (1893-1896), Fridtjof Nansen (1861-1930) observe que la dérive de son navire suit celle des glaces qui se dirigent à 45 degrés à droite de la direction du vent. En 1905, Vagn Walfrid Ekman (1874-1954) explique cette dérive par l’action de la force de Coriolis : due à la rotation de la Terre, cette force, qui avait été mise en évidence en 1836 par Gustave Gaspard Coriolis (1792-1843), dévie les trajectoires des vents et des courants vers la droite dans l’hémisphère Nord, vers la gauche dans l’hémisphère Sud. Ekman établit la théorie dynamique des courants de surface qui se fonde sur l’égalité de la force de Coriolis et celle d’entraînement du vent. Il montre que cette action du vent ne s’exerce que sur une épaisseur de quelques dizaines de mètres (couche d’Ekman). Puis est établie une méthode, toujours utilisée, qui permet de calculer les courants profonds (vitesse et direction) en se basant sur le champ de densités des couches d’eau, densités obtenues à partir de la température et de la salinité de l’eau de mer aux différentes profondeurs : c’est la méthode géostrophique. Celle-ci a été, à l’origine, utilisée en météorologie pour calculer la vitesse des vents.

HMS <it>Challenger</it>, corvette britannique - crédits : Courtesy of NOAA Photo Library

HMS Challenger, corvette britannique

C’est aussi au xixe siècle que l'intérêt du monde savant se tourne vers les profondeurs océaniques. Une science nouvelle apparaît vers la fin de ce siècle : c’est l’océanographie scientifique, qui se mettra définitivement en place au cours de la première moitié du xxe siècle. Cet intérêt pour les grandes profondeurs est en grande partie dû à la mise en place des premiers câbles télégraphiques sous-marins, qui nécessite une bonne connaissance du relief et de la nature des fonds marins. En 1866, le premier câble transatlantique qui fonctionnera de façon durable est posé entre l’Europe et l’Amérique du Nord, à plus de 4 000 mètres de profondeur (un tout premier câble transatlantique avait été mis en place en 1858, mais son activité n’avait duré que trois semaines). Par ailleurs, on pense que les grandes profondeurs, au-delà de 600 mètres, sont dépourvues de vie, les conditions de ces milieux (fortes pressions, obscurité, absence de nourriture) semblant défavorables à son développement. Cette opinion est défendue en 1844 par le biologiste anglais Edward Forbes (1815-1854), mais des animaux sont remontés des profondeurs océaniques… Ainsi, en 1860, on récupère un câble sous-marin qui avait été posé à une profondeur de plus de 2 000 mètres entre la Sardaigne et l’Algérie et sur lequel sont fixés des mollusques bivalves et des coraux solitaires. C’est pour combattre la conception d'une zone profonde sans vie que sont entreprises, à partir de 1868, à l'instigation en particulier de l'Anglais Charles Wyville Thomson (1830-1882), les premières grandes expéditions océanographiques dans l’Atlantique nord-est. Toutes[...]

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Écrit par

  • : directeur de recherche au CNRS, océanographe, membre de l'Académie de marine

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Islande : carte ancienne - crédits : Fine Art Photographic Library/ Corbis/ Getty Images

Islande : carte ancienne

Spirale d’Ekman - crédits : Encyclopædia Universalis France

Spirale d’Ekman

HMS&nbsp;<it>Challenger</it>, corvette britannique - crédits : Courtesy of NOAA Photo Library

HMS Challenger, corvette britannique