PAZ OCTAVIO (1914-1998)
« La poésie, centre secret de la vraie vie »
Après César Vallejo et Pablo Neruda, Octavio Paz est reconnu comme le plus grand poète de l'Amérique de langue espagnole. Si son influence y est grande, elle n'est pas moins sensible en Espagne. Partant de Quevedo, et non de Góngora, à la différence des poètes espagnols de la génération de 1927, la poésie polyphonique de Paz recueille aussi l'écho des plus grands poètes modernes, de Baudelaire à T. S. Eliot, tout comme elle reflète les œuvres d'artistes tels que Marcel Duchamp ou Jacques Villon. Les courants les plus variés de l'histoire, de l'anthropologie, des religions occidentales ou du tantrisme tibétain confluent dans son inspiration pour composer une sorte de cosmogonie originale, source ou lieu de connaissance autant que de découvertes ou d'émerveillements. En tout, le langage est premier. Plus que la réflexion ou la raison, ce sont les battements du cœur qui confèrent au verbe poétique ses rythmes et son pouvoir de révélation. Dans Raíz del hombre (Racine de l'homme, 1937), Bajo tu clara sombra (Sous ton ombre claire, 1937) et A la orilla del mundo (En marge du monde, 1942), les séductions de l'hermétisme ou de l'ésotérisme prennent le pas sur les préoccupations politiques ou sociales. Aguila o Sol ? (Aigle ou Soleil ?, 1951) met en jeu à la fois une quête métaphysique et l'exploration du substrat indien. Libertad bajo palabra (Liberté sur parole) contient des poèmes écrits de 1935 à 1957, dans un ordre bouleversé, à l'instar de l'ordre poétique qui par essence est subversif. Piedra de sol (Pierre de soleil, 1957), où prend figure une totale vision du monde, compte autant de vers (584) que le calendrier aztèque compte d'années. Dans La Estación violenta (La Saison violente, 1958), des influences hétéroclites (Sor Juana Inés de la Cruz, José Gorostiza, Nerval, Apollinaire, Valéry) laissent prévaloir l'aspect proprement mexicain d'une représentation assez noire de l'univers. Salamandra (Salamandre, 1962) reprend des poèmes écrits de 1958 à 1961. Au prix d'obscurités que rachète l'éclat des images, le langage est forcé dans ses ultimes possibilités. Les mots, les métaphores, les illuminations éclatent en une fête de paroles et de vertiges « fixés » où prédomine l'irrationnel. La mythologie mexicaine s'exalte dans « Salamandre » : la régénération par le feu informe aussi la légende de Quetzalcóatl ou de Xólotl explorant l'empire souterrain, afin de recréer une autre race humaine. D'autres poèmes élèvent une protestation cinglante contre l'injustice, la sottise ou la violence des civilisations modernes. Dans Ladera este (Versant est, 1969), l'influence des spiritualités orientales rejoint celle du structuralisme, ou de la linguistique, pour donner la prééminence à l'acte même de l'écriture sur les passions ou sur l'inspiration. La typographie même participe de cette délivrance : le poème Blanco (Blanc, 1967), composé de quatre parties, disposées chacune sur deux colonnes, permet une pluralité de lectures laissant au regard le soin de déchiffrer ou de chiffrer le code. Pasado en claro (Mise au net, 1975) est une superbe célébration du langage, fondement du réel. Cette composition de six cent soixante-six vers, qui débouche sur la clarté des suprêmes réalités, s'achève sur un cri de triomphe de l'être délivré de son apparence. Árbol adentro (L'arbre parle, 1987), chante, dans une pleine maîtrise du langage, le temps, la vie, la mort, l'art et l'amour.
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Écrit par
- Bernard SESÉ : professeur émérite des Universités, membre correspondant de la Real Academia Española
Classification
Média
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