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PAZ OCTAVIO (1914-1998)

« L'enchevêtrement des cultures... »

Essayiste lucide et profond, Octavio Paz s'intéresse autant aux thèmes historiques qu'à la peinture, à l'esthétique, à la morale ou à la philosophie. Mais le Mexique demeure pour lui une référence majeure. El Laberinto de la soledad (Le Labyrinthe de la solitude, 1950) propose à la fois « une vision, mais aussi une révision du Mexique ». « Le Mexicain n'est pas une essence, mais une histoire. » Cette réflexion guide toute l'analyse de l'homme du Mexique : sa quête d'identité ; ses attitudes ou ses masques ; sa célébration stérile de la mort ; son héritage précolombien. Devenus enfin « contemporains de tous les hommes », les Mexicains partagent avec eux ce « fond ultime de la condition humaine », la solitude. Cet examen critique, impitoyable et passionné, est placé sous le signe du Labyrinthe, enceinte du centre sacré que symbolisent Rome, Jérusalem ou La Mecque, ces grands sanctuaires de l'humanité. Posdata (Critique de la pyramide, 1969) prolonge ce superbe « exercice d'imagination critique », en s'attachant à révéler les causes de l'« inaptitude à la démocratie » qui, selon l'auteur, est une des plus graves carences de son pays. El Arco y la lira (L'Arc et la lyre, 1956) tente une double approche du phénomène poétique, du point de vue stylistique et du point de vue de « l'hétérogénéité de l'être », selon l'expression d'Antonio Machado, qui s'y manifeste dans les contenus. Las Peras del olmo (Les Poires de l'orme) comprend notamment une excellente étude sur Sor Juana Inés de la Cruz, religieuse et poétesse mexicaine du xviie siècle à qui Paz a consacré plus tard un de ses plus grands livres : Sor Juana Inés de la Cruz o las trampas de la fe (Sor Juana Inés de la Cruz, ou les Pièges de la foi, 1982). Outre Claude Lévi-Strauss ou Marcel Duchamp qui firent chacun l'objet d'un livre, mille autres sujets sollicitent l'attention d'Octavio Paz. Ils sont traités dans des ouvrages d'essais variés : Conjunciones y disyunciones (Conjonctions et disjonctions, 1969), El Ogro filantrópico (L'Ogre philanthropique, 1979), Inmediaciones (1979)... Un voyage à Galta, ville en ruine du Rājasthān, fournit le texte et le prétexte de El Mono gramático (Le Singe grammairien, 1974) où l'écriture et la lecture sont le double métaphorique du chemin et du pèlerinage. Dans Sombras de obras (Ombres d'œuvres, 1983), Hombres en su tiempo (Hommes en leur temps) ou Primeras Letras (Premières Lettres, 1988) se poursuit ainsi l'exploration conjointe du monde et de ses signes.

De tous ces écrits, quel est le nœud central ? À cette question Paz répond : « La recherche de l'unité n'est qu'une illusion. » Ses livres sont autant de fragments d'une totalité qui se reflète en chacun d'eux, et qui trouve son image idéale dans la voix du poète, où se mêlent « ... la voix du silence et celle du tumulte, la folle sagesse et la folie sage, le murmure confidentiel dans l'alcôve et la houle des foules sur la place publique. Entendre cette voix, c'est écouter le temps même, le temps qui passe et qui, pourtant, revient, transfiguré en quelques syllabes cristallines ». Sans doute est-ce l'écoute et l'infinie poursuite de cette voix venue de partout et de nulle part qui constituent « le lieu et la formule » de toute l'œuvre d'Octavio Paz.

— Bernard SESÉ

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Écrit par

  • : professeur émérite des Universités, membre correspondant de la Real Academia Española

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Octavio Paz - crédits : Fred R. Conrad/ New York Times Co./ Getty Images

Octavio Paz

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    ...ready-made, critique du « bon goût » en tant qu'interchangeable avec le « mauvais » au gré des modes et des temps – et cela, comme l'a fait observer O. Paz dans son exégèse capitale de Duchamp, . Car ce bon goût qui signale à l'attention le courtisan du xviie siècle ou le parvenu du xix...
  • PIERRE DE SOLEIL, Octavio Paz - Fiche de lecture

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