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ODILON REDON. PRINCE DU RÊVE (exposition)

Il n'y avait pas eu d'exposition monographique consacrée à Odilon Redon à Paris depuis 1956. Il faut donc saluer l'initiative de la Réunion des musées nationaux qui, sous la direction de Rodolphe Rapetti, donne à cet artiste singulier une place prépondérante dans l'histoire de la création de la fin du xixe siècle. Un très important catalogue accompagne l'exposition qui s'est tenue du 23 mars au 20 juin 2011 au Grand Palais à Paris. Il fait le point sur les recherches ayant contribué à élargir la vision que nous avons d'un peintre qui, en pleine époque naturaliste, a produit une série d'œuvres oniriques et torturées qui fonctionnent encore aujourd'hui comme autant d'énigmes.

Odilon Redon est né à Bordeaux en 1840. De santé fragile, il est confié à la garde d'un oncle qui administrait le domaine familial de Peyrelebade, au cœur du Médoc. Si l'artiste a gardé le silence sur les ressorts intimes de son œuvre, psychologues et psychiatres n'ont pas manqué de noter l'impact qu'un tel environnement a pu avoir sur les errances solitaires d'un jeune enfant. Un dessin de 1870 montrera un personnage perdu dans le paysage accompagné d'une citation de Pascal : « Le silence éternel de ces espaces infinis m'effraie. » Par ailleurs, l'essentiel de la formation de Redon se fait à Bordeaux. Le dessinateur et graveur Rodolphe Bresdin lui apprend la pratique de la lithographie ; les effets dramatiques des grandes plages du noir de l'encre vont lui permettre de donner libre cour à toutes ses fantasmagories. Redon entre en contact avec le botaniste Armand Clavaud. Celui-ci l'initie à l'œuvre de Spinoza, à la biologie et aux recherches de Darwin ainsi qu'aux écrits de Baudelaire, E. A. Poe ou Flaubert. Dès lors, les données de la science et les sources littéraires vont jouer, dans l'art de Redon, un rôle de stimulant pour un imaginaire exacerbé où se conjuguent étroitement réel et irréel, conscient et inconscient.

Peyrelebade reste le lieu privilégié où s'élabore l'ensemble des « Noirs », qu'il s'agisse des fusains ou des albums lithographiques. Dans le premier d'entre eux, Dans le Rêve (1879), entre la prédominance des noirs et les éclats du blanc, se mettent en place les données d'une aventure plastique dans laquelle se mêlent les images d'un rêve hanté par la confusion des règnes du monde vivant et leur dimension fantastique. Ainsi un globe oculaire désorbité s'inscrit obsessionnellement, à la fois organe de la vue et symbole d'une intense vision intérieure, qu'il soit morne et chevelu ou flottant dans l'espace comme un ballon à la conquête de l'infini. Ailleurs, il s'agira d'une tête humaine sur un corps de poisson, d'une chimère effrayante ou d'un cyclope monstrueux.

La pratique de la lithographie est également pour Redon une façon de rendre hommage à ceux dont il se sent proche comme pour les albums consacrés à Poe, Goya ou au Flaubert de La Tentation de saint Antoine. Il écrit : « j'ai été vite séduit par la partie descriptive de cet ouvrage, par le relief et la couleur de toutes ces résurrections d'un passé. » Surgissent alors toutes sortes de bêtes effroyables, une tête de mort avec une couronne de roses, tandis qu'au milieu d'un disque solaire rayonne la figure du Christ. Si les albums lithographiques sont une manière pour Redon de faire circuler son œuvre, il n'en néglige pas pour autant la pratique du fusain sur papier teinté. On y retrouve sa hantise des origines et des transmutations secrètes qui modifient le visage humain et dotent les monstres de vie morale. Au fil des œuvres, on croise Le Corbeau (1882) inspiré par Poe, les araignées, celle qui sourit et celle qui pleure, qui semblent un écho à la phrase de Jules[...]

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