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HORVÁTH ÖDÖN VON (1901-1938)

Un « moraliste cynique »

Du fait que Horváth, issu d'une famille catholique, reçut un enseignement religieux, certains ont conclu qu'il était un spiritualiste. Il ne nous appartient pas de dire si, au terme de sa brève existence, il croyait en Dieu ; il est indubitable en tout cas qu'il dénonce constamment la collusion du spirituel et du temporel, la récupération du message évangélique par le pouvoir ; toute forme d'intolérance lui fait horreur, et il trouve effrayante la fascination que le national-socialisme, par les discours et la propagande à grande mise en scène, exerce sur les foules désemparées après la défaite de 1918 et la débâcle économique.

Bien qu'il appartienne à la dramaturgie de la « Nouvelle objectivité » (Neue Sachlichkeit), qui refuse toute métaphore et toute parabole, Horváth, pourtant, recourt parfois au procédé expressionniste et on pense alors à Wedekind. Il est compréhensible que, même dans l'Allemagne délivrée du joug nazi, le théâtre horváthien ait été un temps occulté : suspect aux yeux de l'Église, Horváth ne l'était pas moins à ceux des marxistes orthodoxes. Rome et Moscou ont eu une raison supplémentaire de réticence : Horváth lui-même dit de son théâtre qu'il illustre le conflit éternel entre le conscient et le subconscient ; le ça, le moi, le surmoi interfèrent sans cesse, ce qui explique que les personnages tiennent rarement un discours cohérent. Dans ce langage très novateur, le dialogue est elliptique, les silences, lourds de sens. Horváth différencie le langage selon la classe sociale : Casimir, chauffeur de poids lourd en chômage, ne s'exprime pas comme la baronne Ada von Stetten, prise d'angoisse métaphysique quand elle a trop bu. C'est ce qui fait dire à Peter Handke – malgré l'admiration qu'il a pour Brecht – qu'aux beaux « contes de Noël » de ce dernier, il préfère les phrases confuses de Horváth, ses clichés, ses stéréotypes, son désordre et sa sentimentalité non stylisée, ses modèles de la méchanceté et de la détresse d'une société. L'histoire est toujours traitée dans sa quotidienneté, et il n'y a jamais, bien entendu, de « héros positif » : seulement des hommes et des femmes, plus lucides ou plus courageux que d'autres. Dans le comportement du plus vil des personnages, on trouve parfois un aveu, une blessure ancienne qui l'éclaire, à défaut de l'excuser. Horváth peint de préférence la petite et la moyenne bourgeoisies, l'aristocratie décadente en pleine débâcle économique. La stabilisation monétaire de 1924, avec la création du Rentenmark, fixe la parité à 4,20 marks pour 1 dollar. Les épargnants modestes et les classes moyennes, ruinés, prêtent l'oreille au discours hitlérien qui impute la débâcle à la république de Weimar, aux juifs et aux francs-maçons. Les petits-bourgeois humiliés, les aristocrates, vivant d'expédients, d'escroqueries, de proxénétisme, rêvent nostalgiquement de la grandeur passée et du Saint Empire romain germanique et appellent de leurs vœux l'« homme fort ». Tel est le vivier dans lequel Horváth puise ses personnages. Il est normal que, dans un tel contexte, le sort de la femme, déjà injuste, devienne si intolérable qu'il mène au suicide. Nombreux et en évolution constante au cours de chaque pièce, les personnages féminins sont traités sans idéalisation, mais avec objectivité et justice. Lâches ou courageuses, pronazies ou enclines à la résistance, les femmes sont, de toute façon, prises dans l'engrenage d'un système fait par l'homme et pour l'homme. L'amour devient impossible. La seule femme qui triomphe est Christine, de Hôtel-Bellevue, parce qu'un héritage lui permettra d'élever seule l'enfant que le père ne veut pas reconnaître. Aucun [...]

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Écrit par

  • : journaliste, critique dramatique de la revue Les Temps modernes

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