ODYSSÉE, Homère Fiche de lecture
Une épopée initiatique
À la différence de L'Iliade, épopée guerrière, L'Odyssée est une épopée à la fois familière et domestique. La vie quotidienne y est évoquée dans de nombreuses scènes : la plus fameuse est celle où Nausicaa, fille du roi Alkinoos, se rend au fleuve pour laver du linge : « On lava, on rinça tout ce linge sali ; on l'étendit en ligne aux endroits de la grève où le flot quelquefois venait battre le bord et lavait le gravier » (chant VI). De même, Ulysse est un héros plus humain que les valeureux guerriers de L'Iliade : proche de la nature, il est guidé par l'amour de la patrie et du foyer. Assez fort pour résister à la séductrice Calypso ou pour combattre le Cyclope Polyphème, Ulysse pleure au récit de la guerre de Troie fait par l'aède Démodocos, dans le palais d'Alkinoos ; « humain, trop humain », il lui arrive aussi de mentir, de tricher : « Devant les Phéaciens, il eût rougi des pleurs qui gonflaient ses paupières ; mais, à chaque repos de l'aède divin, il essuyait ses pleurs » (chant VIII).
L'Odyssée est également un voyage initiatique, qui suit le schéma classique des rituels : transgression d'un interdit, voyage aux rives de la mort, renaissance. Transgression, car si Ulysse ne peut rentrer à Ithaque, c'est qu'il n'a pas fait de sacrifice aux dieux en quittant Troie. Voyage aux rives de la mort, où le devin Tirésias lui prédit le retour à Ithaque : « Ne songe qu'au retour et je crois qu'en Ithaque, à travers tous les maux, vous rentrerez encor » (chant XI). Renaissance enfin, après une gestation de sept ans dans la caverne de Calypso. Épreuve purificatrice qui précède l'initiation en elle-même, au royaume des Phéaciens, où les dieux parfois partagent le repas des hommes, étape nécessaire avant de se réveiller à Ithaque, après une ultime navigation.
La postérité du poème homérique est particulièrement riche. Tennyson lui consacre deux poèmes, Les Mangeurs de lotus (1832) où Ulysse et ses compagnons s'abandonnent à l'oubli, et Ulysse (1842) où le héros, déçu, laisse Ithaque à Télémaque et s'embarque sans retour. Constantin Cavafy écrit le poème Ithaque, suivi en 1922 par Les Aventures de Télémaque d'Aragon. La même année, James Joyce publie Ulysse, parodie moderne de l'épopée homérique. Jean Giono livre en 1930 la Naissance de « L'Odyssée », mais c'est en 1938 que paraît le grand poème de Nikos Kazantzaki, réécriture magistrale des derniers chants d'Homère, son Odyssée conduisant cette fois Ulysse jusqu'au pôle Sud. Enfin le philosophe Vladimir Jankélévitch analyse la tristesse d'un « Ulysse moderne » et désenchanté dans L'Irréversible et la nostalgie (1976), cette « nostalgie » qui signifie étymologiquement mal du retour.
Le cinéma fait lui aussi une place importante à L'Odyssée, depuis Georges Méliès en 1905, avec L'Île de Calypso, Ulysse et le géant Polyphème, jusqu'à Ulysse de Mario Camerini (1953), ou des adaptations plus libres, tel Ulysse contre Hercule (1962), péplum de Mario Caiano. À l'opéra, Monteverdi lui consacre Le Retour d'Ulysse dans sa patrie (1640).
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Écrit par
- Jean-François PÉPIN : agrégé d'histoire, docteur ès lettres, professeur au lycée Jean-Monnet, Franconville
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Médias
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