ŌE KENZABURŌ (1935-2023)

La violence du réel

L’engagement d’Ōe, déjà essayiste depuis ses débuts d’écrivain, va prendre une direction nouvelle après plusieurs expériences décisives, en 1963. La naissance de son fils Hikari, lourdement handicapé à la suite de l’ablation à la naissance d’une hernie cérébrale, et un séjour à Hiroshima, au cours duquel il recueille les témoignages de victimes du bombardement atomique et des médecins qui les soignent, bouleversent sa vie et son activité d’écrivain. Ōe relie en effet la tragédie de son fils à celle des victimes de la bombe : il y retrouve les éléments symboliques de la violence et de l’arbitraire qui sont au cœur de la condition humaine. Il publie sur ces questions le roman Une affaire personnelle (1964), qui retrace sous forme de fiction les premiers jours suivant la naissance de son enfant, et la décision de vivre avec lui, quelles que soient les difficultés à venir. Il est suivi d’un recueil d’essais, Notes de Hiroshima (1965), qui fera beaucoup pour la reconnaissance des effets de la bombe atomique et de la souffrance des victimes irradiées.

Ōe poursuit son activité d’essayiste engagé à Okinawa, petit archipel au sud du Japon. Théâtre de violents combats au printemps de 1945, il a été rétrocédé au Japon en 1972 seulement et reste occupé par des bases militaires américaines. Le recueil qu’il en tire, Notesd’Okinawa (1970), réquisitoire contre l’armée et le gouvernement japonais pendant et après la guerre, lui vaudra plus tard un procès en diffamation de la part de familles d’officiers japonais, qu’il gagnera en 2011.