ŒCUMÉNISME
Les ruptures
Il est évident que l'unité, si elle n'implique pas l'uniformité, ne saurait être spirituelle et invisible, pas plus que n'est invisible l'« œcuménie » qui en est la raison d'être.
C'est à partir du moment où l'on perd la perspective apostolique, missionnaire et universelle que les diversités deviennent divergences et les tensions fécondes ruptures stérilisantes : la confession de foi, résumé, à chaque époque et en chaque situation, de la compréhension de l'Évangile par l'Église, au lieu d'être comme le condensé de ce qu'elle a à communiquer, devient comme un signe distinctif d'identité jalousement affirmée et comme l'étiquette distinguant non seulement l'Église du monde, mais encore telle partie de l'Église de telle autre : au lieu de n'être que mission, l'Église se tourne vers elle-même, se définit et s'efforce de distinguer ce qui, en elle, est authentique de ce qui travestit le message originel ; la vigilance nécessaire et la fidélité à la Parole deviennent facilement introversion et raideur dogmatique. C'est ainsi que, dès le ve siècle, se constituent les grandes confessions orientales, séparées du tronc catholique, alors dominé par les Grecs et leurs spéculations sur la personne du Christ : lorsqu'en 451 le concile de Chalcédoine fixe dans une définition très élaborée la « doctrine des deux natures du Christ », on assiste à la constitution, en Églises autonomes, des communautés monophysites ; refusant l'« idole aux deux visages » qu'elle dénoncent dans la formulation conciliaire « un seul Christ en deux natures », elles proclament, avec bon nombre de nuances, l'unicité de nature en la personne du Christ, résultant d'un mélange en lui de la divinité et de l'humanité, et lui reconnaissent une nature théandrique ; de ce conflit, qui opposa principalement Alexandrie à Constantinople, sont nées certaines communautés chrétiennes existant encore aujourd'hui, telles l' Église orthodoxe copte d'Égypte, l'Église orthodoxe éthiopienne, l'Église apostolique arménienne, l'Église syrienne orthodoxe d'Orient, l'Église syrienne Mar Thoma de Malabar et le patriarcat syrien d'Antioche.
Au xie siècle se produit, à la suite d'un long conflit entre Constantinople, centre d'un christianisme mystique, contemplatif et poétique, et Rome, capitale d'une chrétienté plus juridique, active et politique, le grand schisme de 1054. Dès lors, on distinguera une Église d'Occident, dont le chef spirituel, le pape, évêque de Rome, conserve la prétention de rassembler tous les chrétiens sous son autorité, et les quatre patriarcats orientaux de Constantinople, Alexandrie, Antioche et Jérusalem qui ont répondu à l'excommunication papale par un anathème et auxquels se joindront au cours des siècles, et spécialement après la prise de Constantinople par les Turcs en 1453, le patriarcat « autocéphale » de Moscou, faisant de plus en plus figure de « troisième Rome », et ceux de Bucarest, Sofia et Belgrade. À l'intérieur de ces deux familles rivales, très proches doctrinalement, mais fort éloignées par la tradition, le tempérament et la compréhension de leur mission dans le monde, des divisions mineures se produisent : celle des « vieux croyants » dans la Russie du xviie siècle, celle des « vieux catholiques » dans l'Église occidentale du xviiie ; les premiers s'opposent à une modernisation de la liturgie, dont l'adaptation linguistique à des temps nouveaux était devenue indispensable ; les autres refusent, dès le début du xviiie siècle en Hollande, puis en 1871, après les formulations dogmatiques du premier concile du Vatican, en Allemagne et en Suisse, de reconnaître l'infaillibilité papale.[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Jean BAUBÉROT : directeur d'études émérite du groupe Sociétés, religions, laïcités au C.N.R.S.
- Georges CASALIS : docteur d'État en théologie, administrateur du musée Calvin de Noyon
- Étienne FOUILLOUX : professeur des Universités, professeur d'histoire contemporaine à l'université de Lyon-II-Louis-Lumière
Classification
Média
Autres références
-
ANGLICANISME
- Écrit par Bernard DUPUY
- 4 370 mots
- 2 médias
La conférence de Lambeth de 1920 a lancé aux autres confessions chrétiennes un « Appel en faveur de l'unité ». Affirmant leur double parenté catholique et protestante, les évêques anglicans réunis présentaient la communion anglicane comme un pont entre les Églises traditionnelles et les confessions issues... -
ATHÉNAGORAS Ier (1886-1972) patriarche de Constantinople (1949-1972)
- Écrit par Olivier CLÉMENT
- 594 mots
- 1 média
Le patriarche Athénagoras a joué un rôle déterminant dans l'évolution contemporaine de l'Église orthodoxe et du Mouvement œcuménique.
Né dans l'Épire encore ottomane, il étudia à la faculté patriarcale de Halki puis devint secrétaire de l'évêque de Monastir, en Macédoine, pendant...
-
BENOÎT XVI JOSEPH RATZINGER (1927-2022) pape (2005-2013)
- Écrit par Encyclopædia Universalis et Raymond WINLING
- 2 491 mots
- 1 média
Benoît XVI a tenu à poursuivre le dialogue interreligieux. Conscient de ce que les réformes fécondes s'opèrent selon le rythme lent de l'évolution des mouvements religieux, et non selon les exigences d'un monde pressé de voir dans l'immédiat des résultats spectaculaires, il a continué patiemment de chercher... -
BIBLE - L'étude de la Bible
- Écrit par André PAUL
- 6 436 mots
...conditionnée et commercialisée d'abord en deux volumes : le Nouveau Testament en 1973, l'Ancien Testament en 1975. Artisans de cette œuvre exceptionnelle, les biblistes chrétiens, catholiques, protestants et orthodoxes réunis, tinrent ainsi, répondant à l'appel du concile Vatican II, à rendre ostensible l'œcuménisme... - Afficher les 37 références