ŒCUMÉNISME
L'œcuménisme des catholiques
Né en milieu protestant et anglican, dans les années vingt, du double désir de donner une réponse cohérente aux maux de l'humanité (guerre, injustice sociale, etc.) et de rechercher l'union des disciples de Jésus-Christ afin que le monde croie, le mouvement œcuménique a eu des répercussions dans l'Église catholique : le 21 novembre 1964, la promulgation du décret conciliaire Unitatis redintegratio marquait l'entrée officielle de l'Église romaine en œcuménisme.
Bien que, sur un terrain aussi mouvant, tout bilan risque forcément d'être partiel ou partial, on peut commencer par reconnaître un résultat positif, massivement évident : la généralisation de la mentalité œcuménique parmi les catholiques. Encore suspects sous Pie XII, les spécialistes de cette cause au sein de l'Église romaine ont conquis les leviers de commande et retourné la situation à leur profit. Exceptionnel à la fin des années cinquante, le dialogue est aujourd'hui la règle ; et c'est l'anti-œcuménisme avoué qui fait figure d'anomalie.
Pour un nombre croissant de fidèles, l'unité est d'abord devenue un rendez-vous annuel, celui de la semaine de prière qui se déroule du 18 au 25 janvier. Puis le mouvement a débordé le petit créneau qui lui était imparti et il a envahi le champ religieux tout entier. Des chrétiens séparés ne se contentent plus, en effet, de prier à intervalle fixe pour la résorption de leurs différends, mais ils prétendent agir ensemble, tant sur la société où ils vivent (« œcuménisme pratique », « séculier ») que sur leurs Églises respectives (« pastorale œcuménique »). Il en découle une foule de microréalisations, de micromutations qui expliquent une bonne part du changement de climat.
Théologiens et pasteurs ne sont pas demeurés en reste. Sous la houlette successive des cardinaux Bea et Willebrands, le Secrétariat romain pour l'unité et ses relais nationaux ont engagé une série de conversations approfondies avec les diverses confessions non catholiques et avec le Conseil œcuménique des Églises. Plusieurs de ces cellules de travail, officielles ou privées, ont produit des constats d'accord sur des sujets aussi importants que l'eucharistie et les ministères (groupe des Dombes et commission anglo-romaine, entre autres).
Quant aux autorités, elles ont développé à tous les niveaux une politique de bonnes relations publiques. C'est même l'un des acquis les plus nets de la décennie 1960-1970 que la concertation systématique entre responsables par le biais d'échanges, d'invitations et de voyages mutuels. Avec le sens aigu du symbole qui le caractérisait, Paul VI a multiplié les gestes d'apaisement au sommet. En direction de l'Orient surtout : levée simultanée, en 1965, des excommunications entre Rome et Constantinople, amitié du pape pour le patriarche Athénagoras et accueil fraternel d'autres chefs religieux. Mais Paul VI n'a pas négligé les Églises issues de la Réforme : les archevêques de Canterbury Ramsay et Coggan se sont succédé au Vatican ; le pape a honoré le siège du Conseil œcuménique de sa visite. Nul ne saurait imaginer, après cela, un programme pontifical dépourvu de toute note unitaire : les messages inauguraux de Jean-Paul Ier puis de Jean-Paul II l'ont démontré.
Mais ces incontestables manifestations de vitalité comportent leur envers. La généralisation du mouvement entraîne sa banalisation : presque unanimement admis, l'œcuménisme ne soulève plus l'enthousiasme de foules paroissiales au sein desquelles l'amélioration sensible des relations interconfessionnelles a quelque peu anesthésié la hantise de l'unité. Au sein de la hiérarchie, la politique du sourire masque trop souvent une préférence pour le statu quo. Paul VI n'a-t-il pas rappelé à ses hôtes genevois qu'il[...]
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Écrit par
- Jean BAUBÉROT : directeur d'études émérite du groupe Sociétés, religions, laïcités au C.N.R.S.
- Georges CASALIS : docteur d'État en théologie, administrateur du musée Calvin de Noyon
- Étienne FOUILLOUX : professeur des Universités, professeur d'histoire contemporaine à l'université de Lyon-II-Louis-Lumière
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