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ŒUVRE D'ART TOTALE

Du septième art

Le cinéma semblait également prédestiné à reprendre le flambeau wagnérien du Gesamtkunstwerk, et ne manqua pas de s'en inspirer. Schönberg ou Loïe Fuller furent d'ailleurs tentés par ce nouveau moyen d'expression, dans lequel Ricciotto Canudo (1879-1923), à l'origine du terme « septième art », voyait une « totale synthèse » : « Nous avons besoin du cinéma pour créer l'art total vers lequel tous les autres, depuis toujours, ont tendu. » Sa préhistoire, qui remonte jusqu'à l'Eidophysikon de Philippe de Loutherbourg (1740-1812) ou au diorama de L.-J. Mandé Daguerre (1789-1851), marquait déjà une volonté d'introduire le temps dans l'image. Tel était également le propos des frères Arnaldo et Bruno Ginnani-Corradini (surnommés respectivement Ginna [1890-1982] et Corra [1892-1976]), qui arrivèrent au film en passant par la musique des couleurs, ou de Léopold Survage (1879-1968), dont les Rythmes colorés (1914) étaient destinés au cinéma. Le rythme est d'ailleurs une notion fédératrice que la critique cinématographique a souvent empruntée à la musique. Viking Eggeling (1880-1925), Hans Richter (1888-1976), Oskar Fischinger (1900-1967), les frères John (1917-1995) et James Whitney (1921-1982), Charles Blanc-Gatti (1890-1965), Norman McLaren (1914-1987) et bien d'autres ont réalisé des films abstraits inspirés par elle. Prokofiev, Dmitri Chostakovitch, Arthur Honegger (1892-1955), ou Nino Rota (1911-1979) composèrent pour le cinéma. Quant à la théorie du « montage vertical » de Sergueï Eisenstein (1898-1948), qui comparait le film à la cathédrale, elle relève également de l'idée d'œuvre d'art totale. Ce besoin de dépassement trouvera une nouvelle expression en 2003 lorsque Peter Greenaway prétendra, à la Biennale de Venise, « inventer un nouveau langage » en exploitant simultanément le livre, le DVD, la TV et Internet. On n'est pas loin des ambitions d'un Matthew Barney, et de son Cycle Cremaster (1994-2002). La collaboration de Mark Boyle (1934-2005) avec Pink Floyd, la musique électronique (Kraftwerk), les light shows psychédéliques ou l'usage des projections dans les manifestations musicales sont d'autres avatars de l'œuvre totale. Quant à l'art vidéo, il héritait de la longue tradition de la musique des couleurs sous les espèces du clip vidéo.

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Médias

<it>Tannhäuser</it>, mise en scène de Wieland Wagner à Bayreuth, 1955. - crédits : AKG-images

Tannhäuser, mise en scène de Wieland Wagner à Bayreuth, 1955.

<it>Cathédrale de Rouen</it>, C. Monet - crédits : AKG-images

Cathédrale de Rouen, C. Monet

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