ŒUVRES D'ART & PRISES DE GUERRE (1945)
Le pillage des nazis
En Allemagne, les nazis ont dès 1933 transgressé ces règles en mettant en œuvre, par exemple, l'opération de proscription des œuvres d'art condamnées au nom de leur idéologie ; un certain nombre d'entre elles furent réunies à Munich en 1937 à l'expositionEntartete Kunst (« art dégénéré »). Ils ont alors retiré des collections publiques des œuvres d'art moderne et les ont vendues. Ils ont de plus saisi de nombreuses œuvres d'art appartenant à des Juifs pour les transférer dans des musées ou leur donner une « affectation » privée. Après le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale, cette politique fut poursuivie à une échelle encore plus grande dans les territoires occupés. En Europe de l'Ouest, contrairement à ce qui avait été projeté initialement, aucun musée public ou presque ne fut l'objet de ces saisies, mais là comme ailleurs l'occupant pilla principalement les collections appartenant à des Juifs. D'autres collectionneurs qui possédaient des biens artistiques intéressant les Allemands furent souvent contraints de les vendre. En revanche, en Europe de l'Est, des biens artistiques, des archives et des livres furent déplacés à grande échelle vers l'Allemagne.
Le monde occidental eut rapidement connaissance de la politique allemande et des innombrables cas de confiscation opérées dans les pays d'Europe adversaires de l'Allemagne. Aussi le thème du vol des œuvres d'art tint-il une place importante dans les conférences tenues par les Alliés pendant la guerre et enfin à Yalta lorsque fut abordée la question des réparations auxquelles l'Allemagne devait procéder. Les Alliés étaient convenus que les biens culturels détournés devaient être restitués à leur pays d'origine et que ceux qui n'auraient pas été retrouvés dans un délai de six mois à compter de la fin de la guerre devraient être compensés par des biens culturels allemands de qualité équivalente. Compensation qui concernait surtout les biens présentant un « intérêt national ». La compensation par des biens allemands des biens étrangers perdus du fait de l'Allemagne fut définie comme une restitution in kind (compensation en nature). Après la fin de la Seconde Guerre mondiale, on devait procéder, mais avec beaucoup plus d'ampleur, selon ce qu'avait stipulé le traité de Versailles à propos de la destruction de la bibliothèque de Louvain : le traité prévoyait que l'Allemagne devait « livrer des objets de collection en valeur et nombre égaux à ceux qui ont été détruits ».
L'Union soviétique ainsi que les États-Unis commencèrent dès 1943 à mettre à exécution leur politique commune de « compensation en nature » par des travaux préliminaires systématiques. Aux États-Unis, on élabora parallèlement les premiers projets de protection militaire des œuvres d'art sur le théâtre européen des opérations : une commission qui avait été réunie par le président Roosevelt, la Roberts Commission, en vue de la préservation des biens culturels mobiliers ou immobiliers, a dressé systématiquement, avec l'aide d'un grand nombre d'historiens d'art, des listes de biens culturels ayant « un caractère précieux pour la nation ». Les archives ont conservé le classement de tous les édifices dignes d'être protégés et présentant un intérêt historique dans les pays d'Europe touchés par la guerre. Cette liste a certainement contribué à préserver de la destruction beaucoup de monuments importants pendant les combats qui ont suivi les débarquements, notamment en Italie. La liste des biens culturels mobiliers d'importance nationale établie par les Américains n'a été retrouvée, jusqu'à aujourd'hui, dans aucune archive publique, alors que la liste soviétique homologue est désormais connue. Cette dernière mentionnait en particulier le Trésor de la cathédrale de Quedlinburg (dans le[...]
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Écrit par
- Klaus GOLDMANN : Oberkustos, Museum für Vor- und Frühgeschichte Staatliche Museen zu Berlin, Preussischer Kulturbesitz, Vorsitzender : Museumdorf Düppel e.V., Berlin
Classification
Médias
Autres références
-
RESTITUTION DES BIENS CULTURELS
- Écrit par Krzysztof POMIAN
- 6 802 mots
...est différente : on peut restituer une œuvre illicitement expatriée, mais comment compenser la destruction des œuvres par définition irremplaçables ? Et cela surtout quand elle était non pas accidentelle, mais due à des opérations militaires et préméditée en vue de priver un peuple de son patrimoine...