ŒUVRES D'ART & PRISES DE GUERRE (1945)
Les transgressions des Alliés
Après la capitulation « sans conditions » du Reich, 80 p. 100 des sites utilisés par les Allemands pendant la guerre pour cacher les biens culturels d'« importance nationale » se retrouvèrent sur des territoires occupés par les Américains. De tels sites existaient également dans les Länder de Thuringe et de Saxe-Anhalt, situés au cœur de l'Allemagne, qui avaient été attribués à l'Union soviétique comme futures zones d'occupation par la conférence de Yalta. Les trois puissances alliées (U.R.S.S., États-Unis et Grande-Bretagne) étaient convenues, à propos des réparations allemandes, que chaque signataire du traité pourrait prendre, dans sa zone d'occupation, la part de réparations qui lui revenait. Mais cela ne signifiait pas pour autant que des biens culturels devant revenir ultérieurement à une puissance d'occupation puissent être retirés des territoires conquis. Après que la 3e armée américaine eut trouvé dans la mine de potasse de Merkers-Kaiseroda en Thuringe, future zone d'occupation soviétique, les réserves d'or du Reich et les trésors des musées berlinois (parmi lesquels 1 400 toiles de maîtres anciens), le commandant en chef, le général Eisenhower, reçut l'ordre impératif de transférer immédiatement toutes les valeurs et tous les biens culturels du territoire conquis dans une zone d'ultérieure occupation américaine, sans tenir compte des accords passés. Ainsi se retrouvaient entre les mains des Américains les plus belles collections des musées berlinois qui auraient dû rester en zone d'occupation et qui comptaient le buste de Néfertiti et le trésor des Welfen ainsi que les collections des châteaux de Prusse avec le cercueil et les ossements de Frédéric II le Grand. Les collections des musées berlinois furent d'abord recueillies dans la salle des coffres de l'ancienne Reichsbank, à Francfort-sur-le-Main, et administrées par la Finance Division du ministère américain des Finances. Puis on les remit, afin qu'elles soient transportées dans un camp central de rassemblement des biens culturels situé dans l'ancien musée du Land de Wiesbaden (C.C.P. de Wiesbaden), au service américain de la protection des œuvres d'art (Monuments, Fine Arts & Archives). Différents documents allemands et américains datant de 1945 attestent qu'une partie du fonds des musées berlinois qui devait quitter Berlin en mars 1945 à destination de Merkers-Kaiseroda n'est jamais arrivée au C.C.P. de Wiesbaden : elle demeure introuvable encore aujourd'hui.
Une autre partie du fonds des musées berlinois fut entreposée en 1945 dans la saline Schönebeck, près de Magdeburg. Le 12 avril 1945, celle-ci fut d'abord occupée par les troupes américaines, en particulier les T-Forces (Target) ; celles-ci, qui avaient été formées depuis la fin de 1944 pour l'exploitation et la prise en charge d'institutions choisies avec précision et présentant une importance militaire, politique, scientifique ou culturelle, s'emparèrent des biens cachés à cet endroit. À la fin de juin 1945, les Britanniques procédèrent au transport de trois mille caisses venues des institutions culturelles berlinoises en direction de leur zone d'occupation : s'y trouvaient la célèbre collection Turfan, qui provenait du musée des Arts et Traditions populaires, et les vases grecs du département des Antiquités. Presque simultanément eut lieu un autre transfert d'un fonds artistique important, depuis la zone d'occupation soviétique vers la zone d'occupation britannique, lorsque les Britanniques évacuèrent la résidence des Welfen (famille étroitement liée à la Couronne britannique) au château de Blankenburg (Harz). Outre les joyaux de la couronne appartenant aux Welfen, l'évangéliaire de Henri le Lion fut emporté en zone britannique. Conformément aux instructions du roi George VI d'Angleterre, l'évangéliaire[...]
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Écrit par
- Klaus GOLDMANN : Oberkustos, Museum für Vor- und Frühgeschichte Staatliche Museen zu Berlin, Preussischer Kulturbesitz, Vorsitzender : Museumdorf Düppel e.V., Berlin
Classification
Médias
Autres références
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RESTITUTION DES BIENS CULTURELS
- Écrit par Krzysztof POMIAN
- 6 802 mots
...est différente : on peut restituer une œuvre illicitement expatriée, mais comment compenser la destruction des œuvres par définition irremplaçables ? Et cela surtout quand elle était non pas accidentelle, mais due à des opérations militaires et préméditée en vue de priver un peuple de son patrimoine...