MALADES MENTAUX ŒUVRES DES
Musée imaginaire de la folie et sélection des œuvres
Ce corpus comporte trois formes très différentes. Un premier groupe de recherches s'intéresse à des sujets particuliers, à des individus producteurs d'art. Font partie de ce groupe les études qui concernent des peintres « reconnus » ayant présenté à un moment de leur existence des symptômes pathologiques : Piero di Cosimo, Parmesan, Goya, Blake, Géricault, Méryon, les Suédois Josephson et Hill entre autres. On sait que Van Gogh est la providence des psychiatres amateurs et professionnels : certains lisent dans sa vie et ses œuvres la schizophrénie ; certains, également péremptoires, le définissent par l'épilepsie ; bien d'autres étiquettes ont été justifiées à son propos. Un certain nombre d'artistes ont eu affaire aux psychiatres : Jean Delay, tout en distinguant soigneusement artistes et névrosés, précise que certains milieux esthétiques entretiennent avec les milieux asilaires des rapports qui rappellent ceux des vases communicants. Une place particulière doit être accordée à la monographie du docteur W. Morgenthaler consacrée, en 1921, à Adolf Wölfli, peintre dont la majeure partie de la vie s'est déroulée dans les asiles. L'ayant lue, le poète Rainer Maria Rilke affirmait : « Le cas de Wölfli nous aidera à acquérir de nouvelles connaissances sur l'origine des forces productrices. »
Des œuvres intéressantes livrées dans des expositions d'art psychopathologique, dans des livres, dans des revues (Confinia psychiatrica, Bâle) forment un second type de corpus. Bilderei der Geisteskranken de H. Prinzhorn (1922) reste un ouvrage essentiel ; bien des peintres (ainsi Max Ernst) s'y sont intéressés. L'Art psychopathologique de Robert Volmat donne le catalogue de l'exposition de Paris (1950). De telles œuvres ont été sélectionnées par les choix successifs : choix par le malade qui détruit certaines peintures ; choix par le personnel hospitalier qui souvent ne conserve que ce qu'il estime (selon son propre goût) susceptible d'intéresser les médecins ; choix enfin par l'auteur du livre ou par les organisateurs de l'exposition. Divers critères interviennent dans ces choix et rendent parfois les œuvres retenues peu représentatives de l'ensemble des productions des malades : la valeur esthétique prêtée à l' œuvre (chaque psychiatre se fait son musée personnel selon sa culture et ses goûts) ; l'intérêt de l'observation médicale qui accompagne l'œuvre ; ou bien encore la différence entre l'œuvre du malade et les œuvres dites normales (les choix viennent souvent accentuer le caractère d'étrangeté des œuvres de malades) ; et enfin le privilège accordé à l'expression de l'angoisse. Pourtant, comme l'a écrit G. Schmidt dans Petits Maîtres de la folie, « à côté de visions issues de l'angoisse, on rencontre aussi [dans l'univers des malades] des tableaux exprimant tantôt l'indifférence, tantôt l'apaisement et la sérénité, parfois même l'allégresse ».
La troisième forme du corpus groupe des œuvres conservées en totalité par certains hôpitaux et réalisées dans leurs ateliers. Ainsi, le département d'art de l'hôpital Sainte-Anne à Paris (clinique des maladies mentales et de l'encéphale, professeur Delay) en garde plus de 23 000. L'intérêt esthétique des œuvres dans leur ensemble paraît faible ; l'originalité des thèmes et des procédés techniques est rare. Dans les ateliers, un climat de bonne humeur règne, et une volonté chez les malades d'apparaître normaux et bien « intégrés » ; dans leurs œuvres faites en présence du groupe, les sujets pratiquent, consciemment ou inconsciemment, une autocensure par rapport à leurs phantasmes ; ils préfèrent les styles immédiatement acceptés par les autres et, à travers[...]
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Écrit par
- Gilbert LASCAULT : professeur émérite de philosophie de l'art à l'université Paris-I-Panthéon-Sorbonne, critique d'art, écrivain
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