ŒUVRES POÉTIQUES, Christine de Pizan Fiche de lecture
Défense de l'amour
Les pièces retenues dans le tome 2 sont d'inspiration et de formes très diverses. L'Epistre au Dieu d'amours (1399), en vers octosyllabiques, est consacrée comme Le Dit de la Rose (1401) à la défense des femmes, défense que poursuivra Christine lors du débat sur le Roman de la Rose de Guillaume de Lorris et Jean de Meun. D'autres « débats » (Le Débat de deux amans), « jugements » (Le Livre des trois jugemens) ou « dits » reprennent la thématique traditionnelle des procès amoureux ou déplorent les infortunes de l'amour comme le Dit de Poissy (1401), qui est aussi la relation presque prise sur le vif d'une visite de Christine à sa fille, religieuse au couvent de Poissy. Le Dit de la pastoure (1404) unit à une représentation quasi technique de la vie aux champs l'histoire idyllique mais destinée à s'achever dans la douleur, des amours d'une bergère et d'un grand seigneur. Dans le sillage de Guillaume de Machaut, Christine a pratiqué avec virtuosité l'alternance dans une même pièce du « je » conteur et du « je » lyrique en insérant des poèmes dans la trame narrative. Le récit que fait le jeune seigneur du Livre du duc des vrais amants de ses amours impossibles pour une grande princesse, amours vécues selon le rituel de la fin'amor, est ponctué de ballades, de rondeaux, de virelais, de lettres en prose qui confèrent une dimension universelle à l'expérience personnelle de l'amant, tout en soulignant la virtuosité de la poétesse. Ici, le Livre se fait aussi anthologie poétique.
On peut être insensible à une poésie qui compense sans doute l'absence de la musique (la rupture entre poésie et musique a été consommée par Machaut) par une virtuosité technique souvent excessive. Mieux vaut parfois oublier le sens et se laisser guider au seul fil des jeux de rime... Pourtant l'émotion qui se dégage encore de ces pièces tient aussi à la persévérance avec laquelle Christine de Pizan distille une défense et illustration de ce que devrait être l'amour, ce rêve brisé que toute l'œuvre tente de recomposer. Défense de l'amour comme valeur, défense de l'éminente dignité des femmes face à l'amour : dans sa poésie comme dans ses livres de sagesse et de savoir, Christine reconstruit, sous l'égide de Raison, Justice et Droiture, sa Cité des dames (1404-1405).
En 1418, Christine de Pizan se réfugie dans un couvent (peut-être à Poissy). C'est là qu'elle compose en 1429 son dernier texte, en vers, le Ditié de Jehanne d'Arc (brûlée en 1431) qui célèbre le caractère miraculeux de la jeune fille choisie par Dieu, tout en exaltant une dernière fois le rôle que peut jouer une femme dans les déchirements et les calamités qui, en cette tragique période de la guerre de Cent Ans, frappent la Cité des hommes.
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Écrit par
- Emmanuèle BAUMGARTNER : professeure de littérature française à l'université de Paris-III-Sorbonne nouvelle
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