OH LES BEAUX JOURS (S. Beckett) Fiche de lecture
Oh les beaux jours est une pièce de théâtre de l'écrivain irlandais Samuel Beckett (1906-1989). Écrite en anglais en 1960-1961, elle est créée à New York puis à Londres en 1962. L'année suivante, elle est montée en français par Roger Blin, avec Madeleine Renaud et Jean-Louis Barrault, dans une traduction de Beckett lui-même. Après Venise et une tournée européenne, la première représentation à Paris, à l'Odéon-Théâtre de France, en octobre 1963, divise la critique, comme l'avaient fait auparavant En attendant Godot (1953) et Fin de partie (1957). Mais la performance de l'actrice est unanimement saluée.
De fait, Oh les beaux jours reste indissociable d'une image : celle du personnage de Winnie interprétée par Madeleine Renaud, « enterrée jusqu'au-dessus de la taille » dans une petite butte (un « mamelon ») s'élevant au milieu d'une « étendue d'herbe brûlée », éclairée par une « lumière aveuglante ». Ce dispositif scénique sera repris systématiquement par la suite, selon les indications précises et formelles de l'auteur.
« Encore une journée divine »
La pièce se compose de deux actes, le premier sensiblement plus long que le second. Elle s'ouvre sur la « sonnerie perçante » d'un réveil marquant le début de la journée de Winnie (« la cinquantaine »). Celle-ci entame alors un soliloque, fragmentaire et troué de silences, où se mêlent considérations sur l'existence (« Ça que je trouve si merveilleux… La façon dont l'homme s'adapte »), évocations de son état présent, mi-fatalistes (« pas pis – pas mieux, pas pis – pas de changement – pas de douleur – presque pas... ») mi-enjouées (« Oh le beau jour encore que ça va être ! ») et vagues souvenirs plus ou moins nostalgiques (« Mon premier bal !... Mon second bal !... Mon premier baiser !... »). Régulièrement, elle prend à témoin ou sollicite Willie (« la soixantaine »). Celui-ci, d'abord allongé derrière le mamelon, d'où émergent, par intermittence, une main, un bras, un crâne coiffé d'un canotier, puis enfoui au fond d'un trou, répond par quelques mots ou lit à haute voix les annonces du journal. Toute à son « babil », Winnie, pour autant que le lui permet sa situation, exécute des gestes banals (se brosser les dents, se limer les ongles), manipule ses accessoires (lunettes, ombrelle, chapeau...), extrait des objets de son sac (parmi lesquels un revolver), inspecte son environnement immédiat (une fourmi) ou son propre corps (« Mes cheveux !... Me suis-je coiffée ?... »).
Au début du second acte, la sonnerie et le réveil de Winnie suggèrent qu'une nouvelle journée commence, bien que la lumière comme le décor soient restés identiques. Seul changement : Winnie est désormais enterrée jusqu'au cou. Le soliloque reprend, à peine, par moments, plus inquiet ou mélancolique. Faute de pouvoir toucher les choses, Winnie se raccroche à ce qu'elle peut encore voir et entendre. Ses appels à Willie semblent se faire plus pressants, en vain. Dans un dernier effort, celui-ci parvient néanmoins à s'extirper de son trou et à ramper presque jusqu'à Winnie, qui le voit une dernière fois. Puis il « lâche prise, dégringole en bas du mamelon ». La pièce se clôt sur l'air de La Veuve joyeuse de Franz Lehár (Heure exquise...), fredonné par Winnie, avant que ne retentisse une dernière fois la sonnerie.
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Écrit par
- Guy BELZANE : professeur agrégé de lettres
Classification
Média