OÏRAT
En 1207, Gengis-khan, proclamé depuis l'année précédente empereur, envoyait son fils aîné J̌öči à la conquête des peuples de la forêt de la Sibérie méridionale (cf. mongolie - Histoire). C'est ainsi que les Oirat, qui nomadisaient le long de l'Enisei à l'ouest du lac Baikal, entrèrent dans l'orbite de la confédération mongole, mais ils ne participèrent à sa grandeur que par l'intermédiaire de contingents militaires limités. Restés dans leurs forêts reculées à l'écart des vicissitudes de l'empire gengiskhanide, ils profitèrent de sa déchéance au xive siècle pour s'étendre plus au sud, dans les steppes de l'Altai et du Tarbagatai, où ils s'adaptèrent alors au pastoralisme nomade. Du xve au xviiie siècle, développant leurs forces aux dépens des Mongols orientaux affaiblis par les discordes, ils virent trembler devant leurs armes toute l'Asie centrale, le Tibet et la Russie même, et ils menacèrent un temps de reconstituer un empire des steppes aussi redoutable que celui de Gengis-khan.
Toutefois, les conflits internes ne les épargnèrent pas non plus, de sorte que les vagues confédérations qu'ils formaient à la manière des empires traditionnels des steppes étaient dominées tantôt par une ethnie, tantôt par une autre, dont ils adoptaient le nom durant la période de sa suprématie. Le nœud de toute l'histoire des Oirat (Oirad), ou Mongols occidentaux, repose donc sur l'identification des noms multiples sous lesquels le monde les a connus : les J̌ūngar (ou, en transcriptions populaires, les Djoungars ou Dzoungars ou Dzungar) ; les Ōlöt, devenus, sous la plume des missionnaires européens du xviiie siècle, les Eleuthes ; les Dörbet ; les Torgūt ; les Čoros ; les Khošūt (ou Qošūd, Qoshot) ; en Russie enfin, les Kalmouks.
Les tentatives d'hégémonie des steppes chez les Mongols occidentaux
Le premier empire oirat
La puissance des Oirat, qui s'était rapidement étendue après l'expulsion, en 1368, de la dynastie mongole de Chine, les Yuan (cf. chine et mongolie - Histoire), atteint une première apogée sous le règne d' Esen-taiǰi, de 1439 à 1455. Les princes des Mongols occidentaux n'appartenant pas à la lignée gengiskhanide, au contraire des princes des Mongols orientaux, ne pouvaient prétendre au titre suprême de grand-khan. Mais, pour asseoir son prestige, Esen-taiǰi joua habilement tantôt d'unions matrimoniales avec la maison du grand-khan, tantôt d'une reconnaissance directe de la suzeraineté chinoise pour s'émanciper de la tutelle théorique des Gengiskhanides, tantôt encore de la force des armes. Il annexe ainsi toute la partie occidentale et centrale de la Mongolie propre, jusqu'à Qaraqorum, lieu prestigieux entre tous ; il menace les frontières de la Chine, tout comme à l'ouest les oasis du Turkestan, capture un souverain Ming, Yingzong (en 1449), s'avance jusqu'à Pékin, mais il échoue dans le siège des places fortes.
Les grandes migrations
À compter des dernières décennies du xve siècle, les Mongols orientaux reprenant force sous le long règne de Dayan-khan (cf. mongolie-Histoire), les Mongols occidentaux sont peu à peu rejetés vers l'ouest, où ils accentuent leur pression sur leurs voisins turcs – nomades des steppes (Kirghiz-Qazaq) et sédentaires des oasis (Uigur ou Ouigours du Tarim) –, et ils vont bientôt entamer, à partir de leur habitat principal, la Djoungarie (à l'ouest de l'Altai, dans la région de l'Irtyš noir, du Tarbagatai, du lac Balkhaš, de l'Ili et de Kulǰa), ces longs glissements caractéristiques de leur histoire durant deux siècles.
Ils s'appellent alors globalement les « Quatre Oirat » (Dörben-Oirat), en raison, semble-t-il, de leur partage entre quatre sous-ethnies qui, à cette époque, ont nom : Čoros (d'où sort la maison souveraine[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Françoise AUBIN : directeur de recherche au C.N.R.S. et à la Fondation nationale des sciences politiques (C.E.R.I)
Classification
Média
Autres références
-
CHINE - Histoire jusqu'en 1949
- Écrit par Jean CHESNEAUX et Jacques GERNET
- 44 594 mots
- 50 médias
...fois militaires, diplomatiques et religieux. Elle a pour origine le conflit entre les Mongols orientaux ralliés aux Mandchous et les Mongols occidentaux (Oirats), maîtres du Xinjiang oriental, du Qinghai et du Tibet, où ils apparaissent comme les protecteurs du dalaï-lama aux yeux des populations de la... -
DZOUNGARIE
- Écrit par Françoise AUBIN
- 302 mots
- 1 média
Nom que les Européens ont donné au second khānat fondé au xviie siècle en Asie centrale par les Mongols occidentaux ou Oirat, dénommés à cette époque les Jüngar (ou, en transcription vulgaire, Djoungar, ou encore Dzoungar). La Dzoungarie (ou Jüngarie) est située dans la région du Tarbagatai...
-
ELEUTH
- Écrit par Françoise AUBIN
- 169 mots
Nom sous lequel les Mongols occidentaux ou Oïrat ont été connus dans l'Europe des Lumières, par déformation du nom original « Ölöt ». La popularisation du nom d'Eleuth doit être attribuée au père Amiot (1718-1793), un jésuite missionnaire qui demeura en Chine de 1750 à sa mort. Intime de l'empereur...
-
KALMOUKS
- Écrit par Françoise AUBIN
- 1 488 mots
C'est une partie de la tribu des Oirat ou Mongols occidentaux, dénommée Torgūt, qui vers 1616 quitte le Tarbagatai – entre lac Manas, lac Zaisan, Irtyš noir. Sous la direction de son chef Khō-Örlög, elle se dirige vers l'ouest, à la recherche des pâturages libres qui lui font défaut au cœur de la Haute... - Afficher les 7 références