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GRABAR OLEG (1929-2011)

Éminente figure de l'étude de l'art islamique, Oleg Grabar est le fils du grand byzantiniste André Grabar (1896-1990). Né en 1929 à Strasbourg, il est élevé à Paris dans un milieu familial polyglotte qui le porte à s'intéresser au Moyen Âge. Il choisit de travailler sur la civilisation qui se dresse contre le monde byzantin et en sera finalement le fossoyeur, le monde islamique. Son objet d'étude privilégié sera donc pour l'essentiel le « Moyen Âge » de l'Islam (viie-xve siècle). À Paris, il étudie les langues orientales et l'histoire de l'art avant de poursuivre sa formation aux États-Unis, à Harvard. En 1955, il obtient à l'université Princeton un doctorat qu'il consacre au cérémonial et à l'art de la cour omeyyade. Dans les pas de son père, il entame sa carrière par l'étude de la période islamique où se marque le plus fortement la trace de l'Empire romain d'Orient. Dans les années 1960, il dirige l'Institut Albright de recherches archéologiques de Jérusalem et mène les fouilles de Qasr al-Hayr al-Sharqi en Syrie (1964-1972). Il restera passionné, tout au long de sa carrière, par le califat omeyyade.

Oleg Grabar enseigne l'art et l'architecture de l'Islam dès 1954 à l'université de Michigan, puis à Harvard (1969-1980), dont il deviendra directeur (1977-1982). Il est le premier professeur nommé à la chaire Agha Khan (1980-1990), et enfin professeur émérite attaché à l'Institute for Advanced Study de Princeton (1990-1998). Son rôle d'enseignant-chercheur fut fondamental dans son activité ; sa capacité à questionner de manière nouvelle l'art islamique et son charisme expliquent la très profonde empreinte qu'il a laissée ; il a formé un grand nombre de spécialistes en poste aux États-Unis et, dans son domaine, a influencé l'ensemble de la communauté scientifique internationale.

On peut souligner que l'aura intellectuelle d'Oleg Grabar marqua un avant et un après dans l'histoire de l'art islamique. Doté d'une culture classique impressionnante, il fut aussi curieux des recherches modernes dans les domaines les plus divers, ce qui alimenta une approche multidisciplinaire de la création artistique. Pour autant, il ne négligea jamais, à côté d'une vision théorique, une réflexion suscitée par les œuvres elles-mêmes. Cette largeur de vue se reflète dans les articles qu'il édita dans la revue, dont il fut le directeur-fondateur, Muqarnas, publiée par les universités Harvard et de Cambridge, de 1983 à 1991.

Dans son œuvre abondante – à peine inférieure en nombre à celle de son père et qu'il avait constamment à l'esprit –, on peut dégager des tendances fortes. En parallèle de grandes synthèses théoriques, Oleg Grabar conçoit la nécessité d'études monographiques. C'est ainsi qu'il est l'auteur d'amples ouvrages comme The Formation of Islamic Art (1973 ; éd. revue et trad. française, La Formation de l'art islamique, 1987), The Mediation of Ornement (1992 ; L'Ornement, formes en fonctions dans l'art islamique, 1996), ou encore sa synthèse sur l'art du livre iranien La Peinture persane : une introduction (1999) ; il faut y ajouter le très bon manuel d'art islamique The Art and Architecture of Islam, 650-1250, écrit avec Richard Ettinghausen (1987). On lui doit aussi des études monographiques dédiées à des monuments, notamment The Alhambra (1978) qui lui permit de renouer avec une démarche mêlant étude d'histoire de l'art, approche symbolique et dimension littéraire, et The Great Mosque of Isfahan (1990), The Dome of the Rock (1996 ; Le Dôme du Rocher, joyau de Jérusalem, 1997). C'est en tant que connaisseur de la région que l'U.N.E.S.C.O. lui confia en 2001 la mission de l'inspection des fouilles du Mont[...]

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Écrit par

  • : conservatrice en chef, directrice du département des Arts de l'Islam au musée du Louvre

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