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SPESSIVTSEVA OLGA SPESSIVA (1895-1991)

« Une pomme est née au monde, disait le maître de danse Ceccheti, on l'a coupée en deux, une moitié est devenue Pavlova, l'autre Spessiva. » « Et, ajoutait Diaghilev, Spessiva est, pour moi, le côté qui a été exposé au Soleil... »

Née à Saint-Pétersbourg le 18 juillet 1895, Olga Alexandrovna Spessivtseva entre à l'École impériale du ballet à l'âge de dix ans et se fait remarquer, très tôt, par la critique. Fokine, alors professeur de danse, voudrait apporter un air neuf et lutter contre l'académisme. Il semble que Spessivtseva n'y voit que le risque de brouiller un style pur et, respectueuse de la tradition, elle lui préfère l'enseignement de Koulitchevskaya. En 1913, elle interprète le rôle principal dans Le Conte d'une nuit blanche donné sur la scène du théâtre de l'École. Elle crée une manière : elle danse comme à contrecœur, comme si elle cédait à une obligation. L'élan spirituel, chez elle, est suivi comme au ralenti par le corps. En 1916, elle est nommée première danseuse au théâtre Mariinski, mais Diaghilev l'engage à son tour : elle est la seule qui puisse remplacer Karsavina. Aux États-Unis, elle dansera Le Spectre de la rose avec Nijinski.

De retour dans une Russie déchirée par la guerre civile, elle interprète les grands rôles. En novembre 1918, elle danse La Esmeralda, puis Paquita et Giselle avec une perfection que Pavlova n'avait su atteindre. Elle interprète la scène de la folie de manière à susciter la compassion plus que l'effroi : « On ne voulait pas fuir, écrit André Schaikevitch, mais plutôt la prendre dans ses bras, la consoler comme une enfant. »

Les conditions dans lesquelles se donnent alors les ballets sont terribles et, atteinte de tuberculose, Spessivtseva doit interrompre son activité au printemps de 1920. L'année suivante, Diaghilev obtient qu'elle vienne à Londres où, après avoir parfait sa formation auprès du maître Cecchetti, elle danse La Belle au bois dormant. André Levinson écrit alors qu'elle possède « la ligne romantique dans toute sa vibrante beauté [...]. Elle exagère Taglioni tant sont frêles et délicats ses bras et ses jambes allongées : elle a l'air de voler et de tenir à peine debout ». Avec cette même fragilité sublime, elle reprendra Giselle à l'Opéra de Paris (1924) puis Le Lac des cygnes qu'elle marque d'une variation au ralenti (1926). Elle appartient alors de nouveau à la compagnie de Diaghilev et, avec Serge Lifar, elle crée La Chatte (1927), une chorégraphie de Georges Balanchine sur une musique de Sauguet. Le fondateur des Ballets russes l'a rebaptisée Spessiva. Serge Lifar est alors préoccupé de remettre en honneur la danse masculine et Olga Spessivtseva comprend mal les ambitions d'un chorégraphe pour qui elle dansera encore Les Créatures de Prométhée (1929) puis Bacchus et Ariane (1931). Leur collaboration devient de plus en plus orageuse. Elle demeure pourtant fidèle à l'Opéra, jusqu'au printemps de 1932. Après une tournée à Buenos Aires avec Fokine, elle s'embarque pour l'Australie à l'automne de 1934 avec les Ballets russes classiques. Elle ressent alors les premières atteintes du mal qui allait la foudroyer aux États-Unis, au début de la Seconde Guerre mondiale. Elle fut alors internée dans un hôpital psychiatrique de l'État de New York, à Poughkeepsie, puis put aller finir ses jours à la Fondation Tolstoï où elle s'éteignit à l'âge de quatre-vingt-seize ans.

« Ayant vu Pavlova dans sa jeunesse et dans la mienne, disait Diaghilev, j'étais sûr que c'était „la Taglioni de ma vie“. Mon étonnement fut sans borne quand j'ai rencontré Spessivtseva, créature plus fine et plus pure que Pavlova. » Elle fut sans conteste la plus grande danseuse romantique du xxe siècle.

— Pierre LARTIGUE[...]

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