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OLIGOPOLE

Au contraire de celui de monopole, fort ancien, le terme d'oligopole est récent ; on le doit, semble-t-il, à E. H. Chamberlin. Auparavant, on utilisait les expressions : concurrence de deux ou plusieurs producteurs (A. Cournot), monopole incomplet, concurrence limitée. Le mot « oligopole » fait nettement ressortir la caractéristique de ce mode de concurrence qui est le petit nombre de vendeurs sur un marché donné. Il en découle une conséquence essentielle, l'interdépendance des vendeurs : le débouché du vendeur A dépend non seulement de son prix et de ses autres conditions de vente, mais encore du prix et des conditions de vente de chacun de ses concurrents. Aucune firme ne peut agir sans tenir compte des réactions des autres entreprises présentes sur le marché.

Catégorie intermédiaire entre la concurrence parfaite et le monopole, l'oligopole admet un nombre très varié de situations, ce qui rend difficile une théorie unifiée simple ; il faut envisager la diversité des poids relatifs des divers concurrents et celle des comportements compétitifs. L'oligopole peut recouvrir aussi bien des collusions, dont la description relève du monopole, qu'une concurrence à couteaux tirés. À cet égard, il convient de noter que la concentration sur un marché donné ne réduit pas nécessairement la concurrence.

L'observation statistique des situations de concurrence dans les pays industriels conduit à l'idée que l'oligopole est la situation la plus répandue, au contraire de l'extrême rareté du monopole privé avéré et d'une fréquence relativement faible des marchés réellement atomistiques.

Sur les grands marchés internationaux, la structure est définitivement oligopolistique, et le pays d'origine des oligopoles est le plus souvent les États-Unis. En face, les gouvernements européens semblent avoir renoncé, au moins pour le moment, à sauvegarder l'atomicité des marchés ; au contraire, pour mieux résister à la concurrence internationale, ils ont été amenés à favoriser la concentration en oligopoles.

A.  Cournot, père de la théorie du monopole, est également le premier auteur à avoir traité (1838) de la concurrence entre deux vendeurs (duopole) ou quelques-uns (oligopole). Ainsi il imagine deux vendeurs d'eau minérale et il montre comment, après un processus d'ajustement mutuel des quantités produites, un équilibre stable est atteint. Bertrand, économiste français des années 1880, quant à lui, a parlé d'un ajustement des prix.

En fait, la théorie moderne de l'oligopole est une remise en cause de l'idée qu'un tel équilibre puisse s'établir. Ou alors, s'il apparaît, c'est au prix d'une série d'hypothèses supplémentaires qui contrastent avec la simple « beauté » de la théorie du prix de concurrence parfaite, ou de monopole, quand elles ne ramènent pas à ces deux situations. Ainsi, W. Fellner (Competition Among the Few, 1949) suppose un comportement collusif : la constitution d'un cartel, un accord tacite fixant les parts de marché de chaque firme. Vis-à-vis des acheteurs, l'ensemble des vendeurs se comportera comme une entité qui maximisera ses profits joints. Le signal des variations de prix sera donné par la firme barométrique de l'industrie, qui est soit la firme dominante, soit une firme plus petite désignée pour ce rôle.

En l'absence de collusion, le prix d'oligopole ne peut être déterminé précisément. Une telle conclusion est la conséquence de l'interdépendance des vendeurs. En concurrence parfaite, il faut le rappeler, le prix du marché s'impose à chaque vendeur qui n'a sur lui aucune influence. En oligopole, chaque vendeur est suffisamment puissant pour que chacune de ses actions affecte ses concurrents.

— Michel LUTFALLA

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Écrit par

  • : docteur ès sciences économiques, professeur au Centre d'études supérieures de banque

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