WILLIAMSON OLIVER E. (1932-2020)
L’Américain Oliver Williamson a sans aucun doute été un des économistes les plus influents de sa génération, cette influence débordant largement sur les sciences de gestion, le droit et les sciences politiques – d'où l'intérêt porté par les décideurs économiques et politiques à ses théories.
Oliver Williamson naît en 1932 à Superior, une petite ville du Wisconsin. De famille modeste – ses parents enseignent dans une école voisine –, il fréquente l'école publique locale et, sur les conseils de son professeur de physique, prépare l'entrée au Massachusetts Institute of Technology (MIT). Il y est admis et obtient un diplôme d'ingénieur. Embauché par le gouvernement fédéral américain comme ingénieur de projets, il voyage beaucoup à l'étranger et fait un va-et-vient constant entre l'administration publique et des entreprises privées. Cette confrontation à des organisations obéissant à des logiques différentes l'incite à entreprendre un doctorat en gestion. À Stanford, il découvre l'économie, en particulier grâce à Kenneth Arrow ; puis il rejoint le groupe exceptionnel de chercheurs rassemblés autour de Herbert Simon à Carnegie-Mellon. Il y termine brillamment, en 1963, une thèse sur le rôle des managers dans les performances des entreprises. Après un bref passage à Berkeley, à la Rand Corporation, puis à l'université de Pennsylvanie, institutions qui le mettent en contact avec des économistes de premier plan et l'amènent à travailler sur les problèmes d'organisation industrielle et de droits de propriété, il sert à nouveau le gouvernement américain, mais cette fois comme économiste, à la division Antitrust. Là, il acquiert une connaissance étendue des problèmes d'intégration verticale, de franchise, de pratiques de prix restrictives ; il participe à l'élaboration de normes concernant les fusions-acquisitions, en particulier dans le secteur des assurances ; et il approfondit sa compréhension des travaux de Chandler et Coase qui, avec ceux d'Arrow et Simon, constituent le limon intellectuel dont il va se nourrir. Il quitte finalement l'administration publique pour se consacrer pleinement à la recherche et à l'enseignement, d'abord à l'université de Pennsylvanie dans les années 1970, puis à Yale à partir de 1983 et à Berkeley à partir de 1989, tout en continuant à être consulté régulièrement comme expert en matière de politique de la concurrence.
La contribution majeure de Williamson concerne ce qu'il est convenu d'appeler « l'économie des coûts de transaction ». L'idée de départ, inspirée de John Commons et surtout de Ronald Coase, est relativement simple. Si on accepte avec Adam Smith que la division du travail constitue, avec le progrès technologique, la source décisive de « la richesse des nations », alors la théorie économique doit identifier et expliquer les modalités permettant de tirer parti de cette division du travail. Comment peut-on notamment organiser efficacement les transactions, c'est-à-dire les transferts de biens et de services entre des unités technologiquement séparables ?
Longtemps, les économistes ont concentré l'essentiel de leur attention sur une modalité de transaction particulière, quoique fondamentale : le marché. Mais il existe d'autres modalités : ainsi, l'entreprise, qui structure l'activité de production en gérant « en interne » une partie importante des transactions.
Or tout mode d'organisation des transactions a un coût, y compris le marché. Un problème d'arbitrage va donc se poser. Dans une économie soumise à la concurrence, quelle forme choisir pour réduire ces coûts de transaction ? Une solution « efficace » consiste à choisir le mode organisationnel qui correspond le mieux aux caractéristiques des transactions à assurer. Williamson[...]
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Écrit par
- Claude MÉNARD : professeur de sciences économiques à l'université de Paris-I-Panthéon-Sorbonne
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