GOLDSMITH OLIVER (1728-1774)
Une plume féconde et talentueuse
Goldsmith a un talent multiforme et une plume facile. Obligé, comme Johnson, de gagner sa vie en publiant, il est victime des éditeurs qui l'exploitent. Il est à la fois historien de l'Angleterre (1764 et 1771), de Rome (1769) et de la Grèce (1774), biographe de T. Parnell et de H. Bolingbroke (1770), de Voltaire (1761) et de l'élégant T. Nash (1764). Il touche aux sciences avec une Histoire de la Terre et un traité de zoologie (1774). Il écrit même une sorte d'histoire de la littérature universelle. Il enquête sur l'état actuel des Belles-Lettres en Europe (An Enquiry into the Present State of Polite Learning, 1759), attaquant le goût et les mœurs de ses contemporains, ainsi que le système universitaire britannique avec un mélange de pénétration lucide et d'indignation satirique. En tant qu'essayiste, son nom demeure surtout grâce aux Letters from a Chinese Philosopher Residing in London, to his Friends in the East, publiées dans le Public Advertiser, et réunies en 1762 sous le titre de The Citizen of the World. Le genre n'est pas nouveau, il vient des Lettres persanes de Montesquieu, mais Goldsmith réussit quelques portraits remarquables de contemporains, allant de Beau Tibbs, le dandy affecté, à l'Homme en noir, l'être généreux qui ne veut pas passer pour tel.
Son œuvre poétique reflète à la fois cette diversité qui caractérise son génie et l'esprit de son temps. Son poème didactique, The Traveller (Le Voyageur), 1764, méditation sur les structures politiques et sociales des divers États européens, eut son heure de célébrité, de même que The Deserted Village (1770), longue réflexion sur la désertion des campagnes. Négligeant son essai de ballade médiévale The Hermit, on goûtera plutôt ses petites pièces de circonstances, The Haunch of Venison (Le Quartier de chevreuil), 1776, ses satires, The Retaliation (La Revanche), ou ses jeux d'esprit, The Elegy on a Mad Dog.
Le nom de Goldsmith demeure parmi les grands grâce à deux classiques de la littérature anglaise : Le Vicaire de Wakefield et Elle s'abaisse pour triompher. Dans le premier, il rappelle H. Fielding sans en avoir la grandeur épique, et annonce Jane Austen sans en posséder la finesse d'analyse. Dans les aventures du pasteur Primrose et de sa famille, il a décrit et exprimé son époque. C'est un petit drame bourgeois qui exalte la vie simple des provinces et les vertus du foyer. Goldsmith y stigmatise l'égoïsme des tyranneaux de village, glorifiant la simplicité et l'intégrité des humbles. La sensibilité est tempérée par un humour indulgent ; tout est à l'échelle humaine. C'est déjà le romantisme qui est annoncé par la délicate peinture des élans du cœur et de la passion, par un certain sens tragique et par la leçon de charité et de bonté qui se dégage de ce petit livre tour à tour émouvant et amusant.
Une comédie sentimentale un peu lourde, Elle s'abaisse pour triompher, témoigne, avant R. B. Sheridan, qu'un renouveau de la comédie traditionnelle anglaise est possible. Reprenant la situation du Jeu de l'amour et du hasard de Marivaux, Goldsmith réussit une comédie moins raffinée, mais haute en couleur, divertissante, qui fait revivre une Angleterre rurale où la simplicité des manières n'exclut pas la finesse et l'humour, où la farce fait bon ménage avec une sentimentalité de bon aloi, et où règne une vision saine de la vie.
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Jean DULCK : professeur émérite à l'université de Paris-III-Sorbonne nouvelle
Classification