ASSAYAS OLIVIER (1955- )
Né le 15 janvier 1955 à Paris, d’abord élève de l’École nationale supérieure des beaux-arts puis critique aux Cahiers du cinéma (1980-1985) et à Rock & Folk (1982-1985), Olivier Assayas réalise des courts-métrages et devient scénariste, d'abord avec son père, auteur pour la télévision, puis avec Laurent Perrin (Passage secret, 1985), André Téchiné (Rendez-vous et Le Lieu du crime, 1985-1986), Lam Lê et Liria Begeja pour des films non encore tournés au moment où il réalise Désordre (1986), son premier long-métrage. D'entrée, il infléchit le genre du « film de jeunes » (musique, fin d'adolescence et chassés-croisés amoureux) vers la vision très dure d'une génération désenchantée dont la cohésion se brise aux premières difficultés. Le cinéaste approfondit ce schéma narratif et thématique dans ses quatre films suivants, même s'il sait varier l'intensité de ses histoires, mettre parfois davantage l'accent sur le contexte (Paris s'éveille, 1991) ou au contraire se concentrer sur la psychologie (L'Enfant de l'hiver, 1988), insister sur la solitude (Une nouvelle vie, 1993) ou saisir les prémices de la constitution possible d'un couple (L'Eau froide, 1994). Une terrible angoisse tenaille des jeunes déboussolés, traqués par une caméra incisive dans un monde hostile. Assayas donne ainsi une image de son époque qui, reprise ou conjuguée à divers temps et à plusieurs modes, servira de base à un très grand nombre de films du nouveau cinéma français de la fin des années 1990.
L'auteur cherche alors de nouvelles voies d'inspiration et explore trois genres différents. Racontant le tournage d'un remake des Vampires de Louis Feuillade interrompu par un émouvant réalisateur (qu'incarne Jean-Pierre Léaud), Olivier Assayas prend à sa manière le contre-pied de l'éternelle crise du cinéma français : Irma Vep (1996) est réalisé en un mois avec un tout petit budget et avec la présence de Maggie Cheung, icône des films de Hong Kong qui sera un temps la compagne du cinéaste. Celui-ci consacre dans la foulée un documentaire à Hou Hsiao-Hsien le grand cinéaste taïwanais. Fin août, début septembre (1998) aborde un « standard » du cinéma national, le film choral, dans lequel un groupe de trentenaires, jusqu'alors liés par l'aura d'un écrivain qui vient de mourir, se trouve saisi de vertige, chacun reculant devant la rentrée inéluctable dans le rang d'une maturité sans fantaisie. Dans un autre registre, Les Destinées sentimentales (2000), d'après le roman de Jacques Chardonne, est une saga illustrant, durant les trente premières années du xxe siècle, le destin de trois personnages étudiés par rapport à un groupe (familial et professionnel) lui-même suivi en fonction des avancées de l'histoire nationale.
Olivier Assayas quitte ensuite le domaine français pour élargir son cinéma à la dimension internationale. Demonlover (2002) situe en effet son histoire de mangas pornographiques dans l'univers mondialiste de l'audiovisuel sur l'axe Tōkyō-Paris de l'espionnage industriel. Il s'agit de dénoncer judicieusement le contenu des nouvelles images à partir du patchwork visuel sur lequel s'appuie l'esthétique filmique du réalisateur, essayant de concilier l'univers troublant de David Lynch et le brio formel de Brian de Palma. Clean (2004) est construit autour du personnage d'Emily, d'abord confrontée à la drogue, à sa hargne et à la prison. Mais c'est la rude renaissance de cette femme qui constituera le sujet du film car l'héroïne – comme l'actrice qui l'incarne (Maggie Cheung) – a près de quarante ans et doit prendre un nouveau départ. Assayas dote son film du mouvement perpétuel qui anime les « junkies rock » brûlant leur existence en harcelant la jeune femme à l'énergie farouche lancée dans une course[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- René PRÉDAL : professeur honoraire d'histoire et esthétique du cinéma, département des arts du spectacle de l'université de Caen
Classification
Autres références
-
CARLOS (O. Assayas)
- Écrit par Joël MAGNY
- 1 066 mots
Fallait-il montrer à Cannes, dans un festival international « de cinéma », Carlos, un film « de télévision » de cinq heures et demie en trois épisodes, produit par Canal Plus et diffusé simultanément sur cette chaîne, alors que la version réduite destinée au cinéma (Le Prix du Chacal...
-
SILS MARIA (O. Assayas)
- Écrit par Joël MAGNY
- 1 062 mots
Parce qu’il a souvent filmé l’adolescence, parce que son cinéma baigne dans une culture contemporaine (musiques, bande dessinée, science-fiction, effets spéciaux, cinéma asiatique...), Olivier Assayas semble toujours appartenir au « jeune cinéma français ». Sils Maria (2014) est pourtant...
-
CINÉMA (Aspects généraux) - Histoire
- Écrit par Marc CERISUELO , Jean COLLET et Claude-Jean PHILIPPE
- 21 694 mots
- 41 médias
Parmi les nouveaux venus se détachentOlivier Assayas, né en 1955, et Arnaud Desplechin, né en 1960. Le premier, ancien critique aux Cahiers du cinéma, amateur de cinéma contemporain américain et de musique rock, épouse délibérément son époque au risque de tourner parfois à l'attitude « branchée... -
FRANCE (Arts et culture) - Le cinéma
- Écrit par Jean-Pierre JEANCOLAS et René PRÉDAL
- 11 105 mots
- 7 médias
...maudit après Les Amants du Pont-Neuf (1991), et Besson initia un cinéma commercial à l’américaine dès Nikita (1990). En fait, le vrai précurseur fut Olivier Assayas (Désordre, 1986) dont la carrière d’auteur allait régulièrement gagner en puissance. Ces quatre révélations étagées en dix ans marquent...