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CLÉMENT OLIVIER (1921-2009)

Olivier Clément naît le 18 novembre 1921 à Aniane, un village cévenol partagé, selon ses propres mots, entre trois « religions » : catholique, protestante et laïque. Dans L'Autre Soleil, son autobiographie parue en 1975, il parle de son père, instituteur, un homme droit, et de sa famille, où il y avait un grand absent : il n'y était jamais question de Dieu. L'enfant s'éveille au mystère des choses, à la beauté d'une nature baignée du soleil méditerranéen, mais l'idée que « après la mort il n'y a rien » le hante, soulève en lui une révolte et même la tentation du suicide.

Jeune homme, il traverse les sagesses de l'Orient sans s'y attarder. Ce futur agrégé d'histoire est initié par un grand professeur, Alphonse Dupront, à une réflexion sur les rapports entre foi, culture et histoire. L'Orient byzantin prend dès lors une grande place dans ses recherches ; il y voit des pans entiers de notre histoire trop longtemps négligés. Les Pères grecs entrent dans le patrimoine culturel de l'Europe, ce qu'avaient aussi compris les jésuites Jean Daniélou et Henri de Lubac, fondateurs de la collection Sources chrétiennes, en 1942.

À la suite d'une rencontre avec des théologiens russes émigrés, situés dans la continuité de la grande pensée religieuse russe, Olivier Clément se fait baptiser dans l'Église orthodoxe. Deux penseurs marquèrent son esprit et son œuvre : Vladimir Lossky, qui lui fait saisir toute l'importance de la notion de personne comme image de Dieu, selon une théologie mystique irréductible à tout système sociopolitique, et Paul Evdokimov, qui l'initie à la pensée religieuse russe dont il est un des derniers représentants. L'« idée russe » portée par ces maîtres est de susciter la confrontation de la plus haute tradition chrétienne avec la modernité pour épuiser les impasses de celle-ci et la réorienter vers les sources de la vie. Cette confrontation fait revenir Olivier Clément aux origines du christianisme, aux textes des Pères grecs qu'il commente en profondeur dans Sources. Les mystiques chrétiens des origines (1982).

Olivier Clément était très engagé, au service de l'Église orthodoxe, dans les dialogues tant œcuménique qu'interreligieux, ainsi qu'en témoignent ses nombreux écrits et ses conférences en France et à l'étranger (La Liberté du Christ, 1974 ; Un respect têtu, 1989). Il a eu de longs entretiens avec les patriarches œcuméniques de Constantinople Athénagoras Ier et Bartholomée Ier (Dialogues avec le Patriarche Athénagoras et La vérité vous rendra libres), et a rencontré le pape Jean-Paul II, qui lui a demandé une méditation sur le chemin de croix en 1998 (Via crucis ; et, l'année précédente, Rome autrement : une réflexion orthodoxe sur la papauté).

Pour ce théologien laïque, au-delà des trois « pères » du nihilisme moderne – Nietzsche, Marx et Freud dont la pensée aboutit à la mort de Dieu –, l'athéisme moderne serait en partie le fruit d'un christianisme issu de saint Augustin. Ce dernier retient l'image d'un Père de la colère, dont la créature doit souffrir pour racheter ses péchés, avec l'éros comme malédiction. Cette image de Dieu est étrangère à celle du Père de tendresse, ouvrant les bras pour accueillir le fils prodigue. Avec la mort de Dieu intervient la mort de l'homme générée par les camps, la bombe atomique, les migrations des peuples. Le visage humain disparaît dans la peinture, dans l'écriture (Questions sur l'homme, 1972 ; Le Visage intérieur, 1978).

À la suite de Paul Evdokimov, Olivier Clément oppose au nihilisme du Dieu de Dostoïevski, le Dieu d'un monde cerné par le néant et la mort, non le Dieu sacralisé sur les autels, loin des hommes et de leurs souffrances, mais un Dieu qui entre dans l'histoire[...]

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