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SERRES OLIVIER DE (1539-1619)

Diacre protestant de l'église de Berg, représentant typique de la petite noblesse méridionale, Olivier de Serres fait de son domaine du Pradel une exploitation modèle. Pendant la période des troubles religieux, l'agronome perfectionne ses cultures, surveille, non sans défiance, ses gens, remplaçant les jachères par des prairies artificielles, introduisant la garance des Flandres, le houblon d'Angleterre, acclimatant le maïs et le mûrier. Après la victoire de Henri IV, il se met à son service, et publie de 1599 à 1603 ses trois grands ouvrages. En 1599, la Cueillette de la soye par la nourriture des vers qui la fond se situe dans la ligne du mercantilisme de Laffemas. Le Théâtre d'agriculture est suivi, en 1603, par la Seconde Richesse du mûrier blanc. Les inventions économiques prônées par Olivier de Serres sont celles qu'appliquera la « révolution agricole » du xixe siècle. À peu de chose près, le Théâtre d'agriculture et mesnage des champs (1600) en contient tous les éléments. L'ouvrage a été répandu, par décision royale, dans toutes les paroisses de France. Et pourtant, à sa mort, il ne subsiste pas grand-chose de durable.

Le cas de Serres est donc doublement intéressant. Contrairement à tant d'affirmations erronées, ce n'est pas un cas isolé. Estienne et Lieubault avaient, près d'un demi-siècle plus tôt, publié ce best-seller de la littérature agronomique de l'Ancien Régime qu'est la Maison rustique, vouée jusqu'au xixe siècle à tant de réimpressions. Un peu partout, la noblesse du xvie siècle s'est passionnée pour la « botanique ». Maïs, mûrier et autres cultures « nouvelles », tels le pommier à cidre, le sarrasin, sont peu à peu pris en considération. Henri IV lui-même appuie le mouvement, souhaitant le « retour à la terre » d'une partie de la noblesse de cour. Pourquoi alors l'échec ? On peut, d'une part, incriminer la courte durée du règne de Henri IV ; d'autre part, il manque à la France du xviie siècle un réseau de grandes villes assez dense, comparable à celui des Pays-Bas, de l'Italie du Nord ou du bassin de Londres, pour faire passer dans la « grande culture » les méthodes de jardinage. Les grands propriétaires exploitants ne s'intéressent guère aux progrès de l'agriculture. On trouve surtout une « élite » agricole sans compétence autre que verbale, des esthètes du « discours » agricole, à l'image des Liancourt et des Turbilly. Olivier de Serres est, par sa pratique, une exception. Mais il est trop seul pour briser la méfiance d'un monde rural qui ne s'en laisse pas conter. Maître à la manière de ce xvie siècle qui peut se permettre d'être dur envers les humbles et capable : deux raisons majeures pour le paysan de se méfier de l'auteur d'un livre et de le confondre avec la large gamme des théoriciens incapables de soupçonner combien une expérience agricole demande de moyens financiers. Et n'oublions pas que moins de 10 p. 100 des paysans français savaient sinon lire, du moins signer de leur nom... Olivier de Serres eût, sans doute, réussi en Angleterre ou aux Pays-Bas ; il venait trop tôt pour la France.

— Jean MEYER

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Écrit par

  • : professeur à la faculté des lettres et sciences humaines de Rennes

Classification

Autres références

  • AGRICOLE RÉVOLUTION

    • Écrit par et
    • 8 076 mots
    ...pendant le même laps de temps et que l'intérêt suscité dans la société par l'agriculture ne se dément pas. Pour s'en tenir à la France, des auteurs comme Olivier de Serres, Bernard Palissy, Charles Estienne et Liebault, qui auront une large audience, donnent des ouvrages théoriques très fouillés, Le Théâtre...
  • HENRI IV (1553-1610) roi de France (1589-1610) et de Navarre (1572-1610)

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    • 3 889 mots
    • 1 média
    Sur le plan économique, Henri IV fait appel à Olivier de Serres. En 1601, vingt mille mûriers sont plantés dans les jardins des Tuileries. Mieux encore – et ceci témoigne d'une conception nouvelle de l'action administrative – le chapitre « sériciculture » du Théâtre d'agriculture...