DEBRÉ OLIVIER (1920-1999)
Né le 14 avril 1920 à Paris, Olivier Debré est le troisième enfant d'une famille bourgeoise intellectuelle – son père, Robert Debré, est professeur de médecine et sa mère, interne des hôpitaux, est la fille du peintre d'histoire Édouard Debat-Ponsan. La peinture est pour l'adolescent « une manière d'être » et il entre, après des études secondaires classiques, à l'École des beaux-arts de Paris, section architecture en 1938, tout en passant une licence de lettres. Pendant l'Occupation, ses premières œuvres datées de l'hiver 1941-1942 révèlent une peinture tragique dominée par des aplats de couleurs sombres dont la matière épaisse est vigoureusement travaillée au couteau. Sa démarche lui est dictée par sa volonté de présenter une nouvelle vision du monde, devenu infigurable, avec des signes qu'il imagine pour rendre manifeste l'insupportable dans une série de tableaux intitulés Le Mort et l'assassin, L'Otage, Le Sourire sadique, Le Nazi et l'otage.
Les Signes-personnages, qu'il entreprend à partir de 1949, semblent traduire, au travers de la figure de l'homme debout, sa croyance – ou son doute – en l'humanité. Le façonnage maçonné de la pâte qui vient s'enchâsser dans une grille plus ou moins régulière mais strictement divisée sur la surface de la toile – d'où la référence trop hâtive à la peinture contemporaine de Nicolas de Staël par exemple – marque aussi sa volonté de lier tradition et modernité. Qualifié à plusieurs reprises d'impressionniste abstrait, bien que son œuvre soit tout aussi éloignée d'une quelconque abstraction mentale ou gestuelle, se désignant lui-même comme « peintre de la réalité », bien qu'aucune transposition de la réalité du monde, même lointaine, n'apparaisse dans sa peinture, Olivier Debré veut transcrire des sensations sur la toile afin de les transmettre au regardeur.
Dès 1958, il traque l'essence du monde dans des Signes-paysages, « reflet exact du réel ressenti », selon ses propres mots. Libérée de la grille reçue du cubisme, la matière s'allège. Son œuvre prend, dans les années 1960, sa physionomie définitive, nourrie de ses nombreux voyages et des paysages de la Loire qui demeurent sa principale source d'inspiration (il possède une propriété familiale en Touraine) lui permettant de renouveler sans cesse, par le changement du motif, son intense production. Immédiatement identifiables, ses toiles immenses sont parcourues par de vastes plages de couleurs de plus en plus fluides ; les coulures sont peu à peu repoussées sur les bords du tableau pour tendre à la clarté d'une quasi-monochromie. Cette esthétique du déversement liquide de la couleur procède sans doute du dernier Monet et peut être comparée à celle des peintres américains Clyfford Still, Barnett Newman, Morris Louis ou encore Sam Francis.
Son goût pour les compositions monumentales – il est nommé professeur, chef d'atelier d'art mural à l'École nationale supérieure des beaux-arts de Paris en 1979 – s'est épanoui dans la réalisation de nombreuses commandes pour des bâtiments publics : des céramiques pour le pavillon des Communautés européennes de l'Exposition internationale d'Ōsaka (1970), le mur extérieur de l'hôtel Nikko à Paris (1981) ou une station de métro de Toulouse (1993), mais surtout des peintures inscrites dans l'espace architectural comme au pavillon français à l'Exposition internationale de Montréal (1967), à l'École polytechnique de Palaiseau (1976), à l'ambassade de France à Washington (1982)..., ses plus prestigieuses réalisations restant le rideau de scène de la Comédie-Française à Paris (1987), ceux de l'Opéra de Hong Kong (1989) et de Shanghai (1998), les signes peints devenant même architectures dans l'espace avec l'immeuble d'ateliers d'artistes de la rue Albert à Paris (1993) et l'église[...]
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Écrit par
- Philippe BOUCHET : historien de l'art
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