ROLIN OLIVIER (1947- )
Style : le mot pourrait résumer la personne et l’œuvre d’Olivier Rolin. Dans « La vraie vie », publiédans Bric et broc (2011), l’écrivain analyse ce terme, se référant à son étymologie autant qu’à sa polysémie. Le style est d’abord ce qui se tient debout. Il renvoie par exemple à la figure du stylite, ermite qui se tient au sommet d’une colonne et s’isole doublement.
Né le 14 mai 1947 à Boulogne-Billancourt, Olivier Rolin passe son enfance à Dakar (Sénégal), avec son frère Jean, qui deviendra lui aussi écrivain. Leur père, médecin militaire, admire Malraux. Il s’est engagé dès le début de la Seconde guerre mondiale dans les Forces françaises libres. La Résistance demeurera une valeur dans la famille.
Olivier Rolin est reçu à l’École normale supérieure en 1967. Passionné par la culture grecque classique, il en restera profondément influencé. Plutôt que de poursuivre ses études dans la prestigieuse école, il entre à la Gauche prolétarienne, et devient responsable de la branche militaire de cette organisation maoïste. En 1973, elle se dissout, après avoir refusé de basculer dans la violence. Les années qui suivent sont difficiles. La sortie de la clandestinité, le retour à une vie plus « normale » provoquent des crises ou des dépressions parmi des militants qui avaient cru en la possibilité d’un autre monde. Tigre en papier (2002) sera le roman mélancolique qui témoigne au plus près de cette expérience militante.
Un écrivain géographe
Olivier Rolin exerce alors divers emplois. Il se rend aussi comme reporter dans différents pays pour le journal Libération, et relate la naissance du syndicat Solidarité dans la Pologne des années 1980 ou le retour de l’Argentine à la démocratie, après les années noires de la dictature. Colère, imprécation : il s’éloignera de ces émotions premières sans toutefois renier ce qui était lié à une époque, celle de la glaciation soviétique, et à ses nécessités.
Le reporter vient à la littérature. Le choc vient du Voyage au bout de la nuit. Bientôt, d’autres écrivains passionnent Rolin. Il écrit sur Vassili Axionov, J.L. Borgès et Ernesto Sabato, sur Witold Gombrowicz à Buenos Aires ou Fernando Pessoa à Lisbonne. Les villes vont devenir les lieux de prédilection du futur romancier, et la géographie habitera le cœur de l’œuvre. Ainsi, écrit-il dans Mon Galurin gris (1993), « la Terre est comme le vaste blason bigarré de nos passions ». Si le stylite est celui qui s’isole, Rolin a quelque chose de lui, puisque sa vie comme ses livres sont ceux d’un homme déplacé, à distance. Les vastes espaces de la Russie ouvrent l’horizon ; sa terre gorgée du sang des victimes inspire En Russie (1987), Sibérie(2011), et Le Météorologue (2014). Lier l’histoire, la géographie et la trace vivante des écrivains, ce sera là tout son projet.
Son entrée en littérature se fait avec Phénomène futur (1983). Comme dans bien des premiers romans, on y sent ce qui fera la marque de l’œuvre à venir et on solde un compte avec le passé. Pourtant, jamais Rolin ne choisira la voie de l’autobiographie ou de l’autofiction. L’expérience vécue, les lieux traversés, les êtres rencontrés font davantage que l’histoire personnelle la matière des textes. L’univers du romancier se reconnaît de façon plus nette dansBar des flots noirs (1987). Les villes – Buenos-Aires, Prague, Lisbonne ou Trieste – y servent de cadre à un récit au mouvement circulaire. Dans un monologue qui ressasse comme les vagues, des écrivains traversent ses rêveries et ses souvenirs . Les tourments du temps se lisent dans une langue d’apparence classique.
Le coup d’éclat d’Olivier Rolin vient avec L’Invention du monde (1993), roman d’une grande profusion, roman qui se profère, excède ses limites, embrasse le monde en quarante-huit heures. Le romancier a choisi une date repère et consulté les journaux[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Norbert CZARNY : professeur agrégé de lettres modernes
Classification
Média
Autres références
-
LE MÉTÉOROLOGUE (O. Rolin) - Fiche de lecture
- Écrit par Norbert CZARNY
- 1 333 mots
Olivier Rolin est depuis longtemps familier de la Russie, un pays qui, à la fois, l’attire et l’intrigue, où la géographie, l’histoire et la littérature se mêlent inextricablement. Rolin aime l’espace sans fin et les paysages que l’on peut contempler des trains si lents ; il voit aussi dans le ...
-
MÉROÉ (O. Rolin) - Fiche de lecture
- Écrit par Aliette ARMEL
- 972 mots
Après avoir étendu le champ de sa réflexion littéraire à l'espace planétaire dans L'Invention du monde (Seuil, 1993), et réduit l'échelle temporelle de ce même livre à une seule journée, Olivier Rolin a choisi comme point d'ancrage la nation de l'Est africain au bord de la...
-
TIGRE EN PAPIER (O. Rolin) - Fiche de lecture
- Écrit par Aliette ARMEL
- 955 mots
Depuis ses premiers romans – Phénomène futur, 1983, mais surtout Le Bar des flots noirs, 1987 – les livres d'Olivier Rolin suivent le mouvement circulaire de la mémoire, décrivent des personnages hantés par des souvenirs qui reviennent, par apparitions successives, par chaînes d'images...
-
ROLIN JEAN (1949- )
- Écrit par Norbert CZARNY
- 1 300 mots
- 1 média
Écrivain français, né à Boulogne-Billancourt le 14 juin 1949, Jean Rolin passe une grande partie de son enfance à Dinard. Sa grand-mère, institutrice, lui donne le goût de la lecture. Comme son frère Olivier, romancier et essayiste, de deux ans son aîné, il est fasciné par les héros de la Résistance...
-
ROMAN - Le roman français contemporain
- Écrit par Dominique VIART
- 7 971 mots
- 11 médias
...Michel Chaillou, 1945, 2004...). De libres et critiques évocations rétrospectives de Mai-68 et des années militantes paraissent sous la plume d' Olivier Rolin (Tigre en papier, 2002) ou de Jean-Pierre Le Dantec (Étourdissements, 2003), quand d'autres visitent enfin, de ce côté-ci de la Méditerranée,...