OLYMPIE
Le sanctuaire, lieu de rencontre des Hellènes
Cette manifestation, qui rassemblait les participants par milliers, eut des débuts modestes bien qu'elle fût placée sous le patronage de héros illustres, Pélops, Héraclès, censés avoir montré aux humains le chemin du stade et de l'hippodrome. Le commencement de son rayonnement panhellénique date du moment où Sparte y délègue ses champions (732). Son exemple fut bientôt suivi par toutes les autres cités : un Athénien y triomphe en 696, un Ionien en 688. Cette réputation entraîne le sanctuaire dans les remous des conflits internationaux. On s'en dispute la maîtrise pour attirer les rayons de sa gloire. À Élis, appuyée par Sparte, s'opposent les Arcadiens de Pise, alliés aux Argiens, qui parviennent à s'imposer parfois, mais toujours de manière éphémère, jusqu'au moment où Sparte, ayant étendu son hégémonie au Péloponnèse, détruit Pise (572) et assure aux Éléens une autorité qui ne sera plus troublée qu'une fois, en 364, par les Arcadiens, malgré le déclin de la puissance lacédémonienne.
Cette longue paix, après avoir permis aux Jeux d'atteindre leur apogée à l'époque où Pindare célébrait en vers immortels la gloire des vainqueurs, voit s'amorcer une lente décadence, due à de multiples causes. La ferveur qu'inspirait un idéal emprunté à la société aristocratique se refroidit à mesure que les progrès de la démocratie font naître un nouveau type d'homme. Le développement du sport professionnel ravale les compétitions au niveau d'un spectacle dont les acteurs sont victimes du mépris qui s'attache à tous les métiers mercenaires. La conquête d'Alexandre déplace vers l'Orient le centre de gravité du monde hellénique. La mère patrie se dépeuple, et Olympie est entraînée dans son déclin. Manifestation éminente de l'hellénisme, les Jeux finissent par s'ouvrir à des concurrents barbares qui en trahissent l'esprit, même s'ils se croient sincèrement assimilés. Enfin, les Romains, après la conquête, tinrent longtemps en suspicion des pratiques qu'ils ne comprenaient pas, où ils craignaient une manifestation politique, et ils n'épargnèrent pas les pillages au sanctuaire. Aussi voit-on disparaître du programme les épreuves aristocratiques comme la course de chars et se multiplier celles où la violence est reine. Les efforts des empereurs philhellènes, Néron, Hadrien, ne pourront même pas freiner la décadence. Après eux, les célébrations ne sont plus qu'épisodiques. Le dernier coup vient du christianisme qui combat le principe même de l'athlétisme. En 393, Théodose le Grand interdit les Jeux. Son petit-fils, Théodose II, achève de dépouiller le sanctuaire et, au milieu du vie siècle, un séisme jette à bas les derniers monuments intacts.
Difficile à dégager, l'influence des Jeux sur la civilisation n'est pas douteuse. C'est d'Olympie que s'est répandue la pratique de la nudité athlétique. Implantée dans les palestres, elle a donné aux sculpteurs le goût, si propre à leur art, de la beauté harmonieuse des corps. Une notable partie du patrimoine littéraire de la Grèce doit aussi sa création à la célébration des concours. Ils offraient matière à la composition d'odes triomphales dont les plus célèbres, mais non les seules, sont celles de Pindare. En outre, la foule des spectateurs comprenait assez d'esprits cultivés pour attirer tout ce que la Grèce comptait d'auteurs en renom qui leur réservaient la primeur de leurs œuvres : Hérodote fit lire devant eux une partie de ses Histoires, plusieurs orateurs illustres rédigèrent pour eux des discours. Enfin, dans le domaine moral, les Grecs, pour quelques jours unis dans la célébration d'un des rites caractéristiques de leur civilisation, inaccessible aux barbares, prenaient[...]
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Écrit par
- Jean DELORME : professeur à la faculté des lettres et sciences humaines de Toulouse
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