OLYMPISME ET POLITIQUE
Les dessous de l'attribution des Jeux de 2008 à Pékin
Alors que les Jeux de Pékin furent une grande réussite et que la Chine s'est affirmée comme la première puissance sportive mondiale (51 médailles d'or, contre 36 pour les États-Unis), il n'est pas anodin de rappeler que la Chine populaire refusa de participer aux Jeux dès 1956, pour ne pas côtoyer la délégation de Taïwan, quitta le C.I.O. en 1958, car Mao Zedong considérait que le sport n'avait qu'une fonction hygiénique et pédagogique, et qu'il n'était pas question de faire vibrer la fibre nationaliste par le biais de confrontations sportives... La République populaire de Chine ne réintégra le mouvement olympique qu'à l'occasion des Jeux d'hiver de 1980 et monta régulièrement en puissance, jusqu'au triomphe de 2008.
Mais le succès de la candidature de Pékin pour l'organisation des Jeux de 2008 ne peut s'analyser sans évoquer son échec lors de l'attribution des Jeux de 2000. En effet, le 23 septembre 1993 à Monaco, le C.I.O. avait préféré de peu – 45 voix contre 43 – Sydney à Pékin comme site des Jeux de l'an 2000. À l'époque, la question de la démocratie avait sans doute pesé dans ce choix – les images de la répression de la révolte étudiante de la place Tiananmen en juin 1989 demeuraient vivaces –, mais peut-être moins que les « brillantes » prestations des athlètes chinoises, entachées de fort soupçons de dopage, lors des épreuves de demi-fond des Championnats du monde d'athlétisme qui venaient de se dérouler à Stuttgart. En outre, les paroles prononcées à l'époque par Jacques Rogge, aujourd'hui président du C.I.O. et chantre de l'apolitisme du mouvement olympique, sont en totale contradiction avec son discours actuel : « En fait, deux courants se sont dessinés : un, fidèle du respect intégral de l'esprit olympique. [...] L'autre appuyé sur une valeur ajoutée à l'olympisme, ouvert sur le xxie siècle et sur l'accélération de l'histoire. [...] L'instabilité politique de la Chine est pour moi suffisamment marquée pour qu'on lui demande d'attendre. »
Après cette courte défaite, on pense que l'Empire du Milieu va s'engager de nouveau dans la course en vue de 2004. Aussi, chacun s'étonne de l'abstention chinoise. En fait, les autorités de Pékin ont parfaitement compris que, plus que la qualité du dossier de leur candidature, les événements géopolitiques du moment auraient une influence considérable à l'heure du choix. Or le C.I.O. doit se prononcer pour l'attribution des Jeux de 2004 en septembre 1997, quelques semaines après la rétrocession de Hong Kong à la Chine. Une date défavorable, puisque tous les regards seront tournés vers la Chine et que le moindre incident politique ou diplomatique à cette occasion pourrait provoquer un nouvel échec. Les ambitions chinoises sont donc reportées de quatre ans. Le lien entre politique et olympisme trouve une nouvelle fois son écho dans Le Quotidien du peuple, qui présente au début de 2001 les priorités diplomatiques chinoises de l'année : l'adhésion à l'O.M.C. ; l'obtention des jeux Olympiques ; éviter une condamnation venant de la commission des droits de l'homme de l'O.N.U. Au diapason de sa montée en puissance dans le concert économique mondial, la Chine emploie tous les moyens mis en œuvre jusque-là par les puissances « capitalistes » dans le cadre d'une candidature olympique. Elle s'appuie sur des compétences étrangères, engageant notamment Sandy Hollway, ancien directeur des Jeux de Sydney, des lobbyistes de haute volée, le cabinet américano-britannique Weber Shandwick, qui s'occupe de la communication au niveau planétaire (hors Europe), Bell Pottinger se chargeant du Vieux Continent. Ces experts insistent sur la modernité que doit afficher la Chine, avec[...]
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Écrit par
- Pierre LAGRUE : historien du sport, membre de l'Association des écrivains sportifs
Classification
Médias
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