OMEYYADES ou UMAYYADES
Administration intérieure et vie culturelle
Le régime, à l'exception de ‘Umar b. ‘Abd al-‘Aziz, était taxé d'impiété par ses adversaires. Impie, il l'était parce qu'il avait usurpé la place et versé le sang de la famille du Prophète. En fait, ce régime, né à une époque où les Arabes n'avaient aucune tradition administrative et où eux seuls étaient musulmans, avait par la force des choses dû laisser les services aux mains des indigènes non musulmans, appliquant des règles et usages indépendants de l'islam, sauf en ce qui concernait les musulmans eux-mêmes : à mesure que s'approfondissait chez ceux-ci l'exigence d'un régime véritablement informé par l'islam, celui des Omeyyades, malgré leurs efforts, ne pouvait plus convenir ; mais cela est sans rapport avec une prétendue indifférence religieuse de leur part, qui en fait n'a jamais existé. Au début, le régime omeyyade n'est qu'une armée arabe de garnison superposée aux indigènes vivant selon leurs traditions. Le calife, dont l'entourage est encore simple, assure l'unité de la communauté, dirige l'expansion de l'islam, la répartition des profits. Sous son autorité, les gouverneurs de vastes provinces ont une grande autonomie de fait. Assez vite pourtant, les transformations se dessinent.
Ainsi, le début d'islamisation des indigènes posa un grave problème. Ceux d'entre eux qui étaient propriétaires devaient payer des impôts où se combinaient variablement un droit sur leur terre et une capitation ; les Arabes, eux, payaient sur leurs biens de tous genres une dîme moins lourde. La conversion pouvait paraître tentante, mais, en raison de la responsabilité solidaire des communautés villageoises devant le fisc, elle n'était possible qu'à condition de fuir en ville et d'y adopter un nouveau mode de vie. Si le mouvement s'intensifiait, il compromettait la mise en valeur et par conséquent le rendement de l'impôt. Sous ‘Abd al-Malik, le gouverneur d'Irak, Ḥallādj, interdit la désertion des campagnes aussi bien que la conversion à l'islam : conclusion paradoxale assurément. Les successeurs de ‘Abd al-Malik s'orientèrent vers une solution plus souple : pour les convertis, la capitation ferait place à l'aumône légale du croyant, à peu près équivalente, et sur la terre elle-même, non convertie, l'impôt foncier serait maintenu. Par ailleurs, les Omeyyades s'appliquèrent d'abord à entretenir, restaurer ou développer les exploitations agricoles, et en premier lieu les travaux d'irrigation. Les souverains et les notables se firent volontiers édifier en bordure du désert des résidences dont certaines ruines subsistent.
Les ateliers d'État ainsi que la monnaie posèrent un problème particulier. L'État nouveau avait hérité de ses prédécesseurs le monopole des fabrications de tissus de luxe (tiraz) et, en Égypte, celui du papyrus. Tissus et papyrus se vendaient dans les pays étrangers, tout particulièrement le second, qui n'était produit que par l'Égypte. On brodait sur les tissus, on imprimait en filigrane sur les papyrus des inscriptions que d'abord le régime musulman conserva, mais qui ne pouvaient à la longue lui convenir : elles furent arabisées et islamisées malgré les protestations des usagers extérieurs. Plus importante est la réforme de la monnaie. L'islam avait hérité de la monnaie d'or byzantine et de la monnaie d'argent iranienne, et il en fabriquait anarchiquement d'analogues : à la longue, l'usure aidant, il n'y eut plus aucune monnaie fixe ; en outre, les images et inscriptions des anciens régimes ne pouvaient convenir à des musulmans. ‘Abd al-Malik fit frapper une excellente monnaie d'or ( dinars) et d'argent ( dirhams) dont les poids étaient alignés sur les unités en usage dans les villes saintes, et les légendes, exclusives[...]
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Écrit par
- Claude CAHEN : professeur à la faculté des lettres et sciences humaines de Paris
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Médias
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