ŌNO KAZUO (1906-2010)
Le chorégraphe japonais Ōno Kazuo (Ohno en translittération anglo-saxonne) a contribué, avec Hijikata Tatsumi (1928-1986), le fondateur du butō, à développer cette forme de danse apparue au Japon à la fin des années 1950. Celui qui affirmait « danser pour se tuer et se retuer sans cesse » s'est éteint le 1er juin 2010 à l'hôpital Senin Hoken de Yokohama, dans la banlieue de Tōkyō. Il avait cent trois ans.
Aîné d'une famille de onze enfants, Ōno Kazuo est né le 27 octobre 1906 à Hakodate, port du Hokkaidō, l'une des îles les plus septentrionales du Japon. Son père était directeur d'une coopérative de pêche. Sa mère, une femme très cultivée et musicienne, lui donna très jeune le goût de la musique et de la littérature occidentales, ainsi que celui des récits fantastiques. Champion de course à pied dans sa localité, il abandonne assez vite sa région natale pour la préfecture d'Akita (région du Tōhoku) où il se consacre à une intense activité sportive. Diplômé d'éducation physique en 1925, il commence à enseigner à l'école élémentaire Izumisawa, mais ses méthodes diffèrent sensiblement de la discipline rigide prescrite à l'époque. L'année suivante, il quitte l'enseignement pour rejoindre l'école nationale d'athlétisme de Tōkyō. Il suit alors des cours de gymnastique qui font appel à la méthode de Rudolf Bode (1881-1971), elle-même inspirée de la gymnastique rythmique de Jaques-Dalcroze.
En 1929, un intendant de l'école d'athlétisme l'emmène voir au Théâtre impérial la célèbre danseuse espagnole Antonia Mercé y Luque, dite La Argentina (1890-1936). Bouleversé, Ōno Kazuo décide alors de devenir danseur et de se faire baptiser. Mais il ne commencera à étudier la danse qu'en 1933. En attendant, il enseigne la gymnastique dans un collège privé catholique de jeunes filles à Yokohama. Affecté ensuite dans un autre établissement du même type, où il doit enseigner aussi la danse, il décide alors de prendre des cours. Ses maîtres seront respectivement Ishii Baku (1886-1962), considéré comme le fondateur de la danse moderne japonaise, et Eguchi Takaya (1900-1978), tous deux formés par Mary Wigman (1886-1973) à la danse expressionniste allemande et très influencés par son style.
En 1934, Ōno découvre Harald Kreutzberg (1902-1968), disciple lui aussi de Mary Wigman, venu à Tōkyō donner un récital. Il est probable que ce danseur d'aspect féminin, au crâne rasé, se déplaçant en alternant mouvements lents et convulsifs, aux gestes maniérés des mains, au buste placé dans la direction opposée au visage, ait eu par la suite une certaine influence sur le butō d'Ōno.
Mobilisé en 1938, Ōno passera neuf années dans l'armée impériale, envoyé au front comme capitaine dans l'intendance en Chine et en Nouvelle-Guinée où il sera fait prisonnier en 1944. Il y donnera ses deux premiers spectacles : l'un où il danse « le poisson », l'autre en hommage à sa mère. Libéré, il reprend la danse auprès d'Eguchi et enseigne dans son école à partir de 1946.
C'est en 1949, alors âgé de quarante-trois ans, qu'il danse pour la première fois sur une scène dans un spectacle de Ando Mitsuko composé de trois pièces : Tango, Les Premières Fleurs de tilleul (où il apparaît dans un rôle de femme) et Gémissements des damnés. Il donnera avec elle d'autres récitals en 1950. L'année suivante, il commence à être remarqué. En 1952, la diffusion du film de Marcel Carné Les Enfants du Paradis le fascine. Particulièrement le rôle de Jean-Louis Barrault qui fournira sans doute à Ōno un autre élément de son style : le visage entièrement peint en blanc. En 1953, il donne un premier spectacle avec sa compagnie tout en continuant à se produire avec Ando Mitsuko. C'est aussi dans la troupe de cette dernière qu'il[...]
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Écrit par
- Agnès IZRINE : écrivaine, journaliste dans le domaine de la danse
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BUTŌ
- Écrit par Agnès IZRINE
- 3 838 mots
Auparavant, un autre homme va contribuer à donner au butō le rayonnement international qui est aujourd'hui le sien : Ōno Kazuo. Fasciné par la personnalité d'Hijikata, par sa faculté d'aborder des thèmes tels que la souffrance, l'avilissement ou la mort, par sa puissance dans l'évocation de l'érotisme,...