OPÉRA Histoire, de Pelléas à nos jours
Il en est de l'opéra comme de la symphonie : périodiquement, il fait l'objet d'annonces de décès, consternées ou triomphantes, émanant généralement de compositeurs pour lesquels « les raisins sont trop verts » ou de critiques à l'affût de la sensation. Mais chaque année de nombreuses œuvres lyriques nouvelles viennent démentir ces prophètes de malheur. Certes, l'évolution du langage musical en général exclut-il désormais les partitions dont l'auditeur, de retour chez lui, peut chantonner tous les airs ; de plus, le cinéma a remplacé l'opéra comme grand spectacle populaire. L'évolution des structures sociales et le poids des fatalités économiques ont joué de leur côté : l'opéra, depuis toujours spectacle de luxe fait pour le plaisir des rois et des cours, puis de la bourgeoisie industrielle du xixe siècle, avant d'intéresser également les classes plus modestes, est plus que jamais un spectacle ruineux, tributaire du mécénat public ou privé. Le coût des productions a augmenté, l'exigence du public également en matière de spectacle proprement dit ; le disque et le cinéma sont responsables de cette évolution. Il est donc de plus en plus difficile, voire aléatoire, d'investir dans la production d'un opéra nouveau, dont le succès est loin d'être garanti. Les créateurs y ont pallié par des solutions qui tiennent compte de ces impératifs économiques : l'opéra de chambre et le théâtre musical proposent des spectacles plus légers et plus souples, souvent plus proches de la sensibilité actuelle. Il reste que le grand opéra avec orchestre et chœurs demeure le rêve de la plupart des compositeurs d'aujourd'hui, rêve très inégalement comblé suivant les pays. Si, par exemple, les vrais opéras écrits actuellement en France se comptent sur les doigts de la main, c'est surtout par manque de débouchés : ici, les formules de théâtre musical représentent plus souvent un pis-aller, un « opéra du pauvre », qu'un choix entièrement libre. À cet égard, la situation est très différente dans des pays à tradition lyrique plus forte : Italie, Allemagne, Grande-Bretagne et pays d'Europe centrale et orientale...
Sauf indication contraire, les dates qui accompagnent les titres des œuvres sont celles de la création.
La postérité de « Pelléas »
Si la musique moderne est née avec le Prélude à l'après-midi d'un faune (1894) – avec le recul du temps, cette césure se confirme, elle est plus décisive même que celle du Sacre du printemps ou des premières œuvres atonales de Schönberg –, il est légitime de faire partir une histoire de l'opéra moderne de Pelléas et Mélisande, dont la première représentation (1902) coïncide presque exactement avec le début du xxe siècle. Parmi les grands compositeurs lyriques de cette époque, il n'en est que très peu dont elle coupe en deux la carrière : seuls les deux derniers des quinze opéras de Rimski-Korsakov, les plus grands d'ailleurs, La Légende de la ville invisible de Kitège et de la vierge Fevronia (1907) et Le Coq d'or (1909), sont postérieurs au chef-d'œuvre de Debussy. En revanche, la quasi-totalité des ouvrages lyriques de Richard Strauss et de Leoš Janáček se placent après Pelléas. En fait, seule l'œuvre de Puccini se situe réellement de part et d'autre de la date fatidique, qui se trouve, pour lui, entre Tosca (1900) et Madame Butterfly (1904).
Pelléas et Mélisande, géniale réaction contre Wagner, mais impensable sans l'influence profondément assumée de Tristan et de Parsifal et l'assimilation de la grande leçon de Boris Godounov, est demeuré un chef-d'œuvre isolé et inimitable (à part quelques épigones) dont la descendance visible est rare. On en trouve des traces indirectes dans des œuvres bien plus tardives et aussi différentes[...]
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Écrit par
- Harry HALBREICH : musicologue, professeur d'analyse musicale
- Christian MERLIN : agrégé de l'Université, docteur ès lettres, maître de conférences à l'université de Lille-III-Charles-de-Gaulle, critique musical
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Médias
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