OPÉRA Histoire, de Pelléas à nos jours
De l'opéra de chambre au théâtre musical
Ainsi que nous l'avons déjà mentionné, la réaction antiromantique, jointe aux difficultés économiques, a amené un retour à l'orchestre de chambre et aux œuvres courtes, qui ont très vite donné naissance à des opéras de chambre. L'un des premiers fut Ariane à Naxos de Richard Strauss (1912), mais il faut citer des réussites aussi différentes (des chefs-d'œuvres, parfois !) que Les Tréteaux de maître Pierre, de Manuel de Falla (1923), Renard, d'Igor Stravinski (1922), Les Malheurs d'Orphée (1926), Le Pauvre Matelot (1927) et les trois « opéras-minutes » (L'Enlèvement d'Europe, 1927 ; L'Abandon d'Ariane et La Délivrance de Thésée, 1928), de Darius Milhaud, Le Nez (1930), de Chostakovitch, Riders to the Sea (1937), de Ralph Vaughan Williams ou Des Simplicius Simplicissimus Jugend (1949) de Karl Amadeus Hartmann. Avec Kurt Weill, nous franchissons une autre limite, celle du théâtre musical, dont il fut incontestablement le grand précurseur dans ses œuvres écrites en collaboration avec Bertolt Brecht entre 1927 et 1932 (L'Opéra de quat'sous, 1928 ; Grandeur et décadence de la ville de Mahagonny, 1930 ). L'esprit de stylisation propre à l'esthétique néoclassique de l'entre-deux-guerres donna naissance également à l'opéra-oratorio, peut-être inspiré de l'exemple de Haendel, et dont la Jeanne au bûcher (1928) d'Arthur Honegger, Œdipus Rex (1928) d'Igor Stravinski, La Sagesse de Darius Milhaud (composé en 1935), le Pilgrims Progress (1951) de Ralph Vaughan Williams, à la limite même le Moïse et Aaron d'Arnold Schönberg sont des exemples parmi beaucoup d'autres...
Après la Seconde Guerre mondiale et jusqu'à nos jours, le grand opéra traditionnel, dans tout l'éventail des langages et des styles jusqu'aux plus radicaux, continue à affirmer une éclatante vitalité en dépit des pronostics. Mais le phénomène du théâtre musical s'est affirmé, parallèlement, avec une force et une originalité non moins considérables, l'opéra de chambre se situant un peu entre les deux, et ces différents domaines n'étant pas toujours des plus faciles à délimiter.
Un certain nombre de compositeurs se sont fait une spécialité de l'opéra, dans un langage souvent assez rassurant pour entraîner l'adhésion de publics fort vastes. On citera Benjamin Britten et Hans Werner Henze, mais les pays germaniques en recèlent bien d'autres, aussi féconds bien que de moindre envergure : les Allemands Werner Egk et Giselher Klebe, l'Autrichien Gottfried von Einem, les Suisses Heinrich Sutermeister et Rolf Liebermann. Ce dernier, de même que l'Austro-Américain Ernst Křenek font tout de même preuve de plus d'audace et d'éclectisme... Ce type de compositeur est beaucoup plus rare en France, par manque de débouchés peut-être, mais comment ne point citer Marcel Landowski, dont Le Fou (1956) est une manière de chef-d'œuvre, puis, à un niveau plus modeste, Daniel-Lesur, Emmanuel Bondeville, Henry Barraud, Henri Sauguet, Jean-Michel Damase... Avec l'Italo-Américain Gian Carlo Menotti nous descendons au niveau de l'habile fabricant, avec l'Allemand Carl Orff à celui, pire encore, qualifié fort justement par Stravinski de « néo-néanderthalisme musical »...
Quittons ces zones désertiques pour remonter vers les sommets. En Angleterre, Michael Tippett s'est affirmé, à travers ses cinq opéras (The Midsummer Marriage, 1955 ; King Priam, 1962 ; The Knot Garden, 1970 ; The Ice Break, 1977 ; New Year, 1989), comme l'un des très grands compositeurs lyriques de la seconde moitié du xxe siècle, dans un langage original, mais de synthèse, intégrant même le jazz, et utilisant ses propres livrets souvent influencés par la pensée de Jung. Le jazz,[...]
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Écrit par
- Harry HALBREICH : musicologue, professeur d'analyse musicale
- Christian MERLIN : agrégé de l'Université, docteur ès lettres, maître de conférences à l'université de Lille-III-Charles-de-Gaulle, critique musical
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Médias
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