OPÉRA Histoire, de Peri à Puccini
L'évolution du genre
Le triomphe de l'« opera seria »
À l'orée du xviiie siècle, Venise va perdre progressivement sa place de citadelle de l'opéra pour la céder à Naples. L'opéra napolitain sera principalement incarné par Alessandro Scarlatti (1660-1725), auteur de quelque cent quinze ouvrages pour la scène, et qui va être le pionnier de l'opera seria (opéra sérieux). Généralement bâti sur une intrigue mythologique ou historique, l'opera seriaest le plus souvent composé de trois actes précédés d'une ouverture instrumentale, ou sinfonia. Il se caractérise par une alternance très codifiée de dialogues en recitativo secco (ou parlando) et d'airs. L'absence de chœurs est la règle. Scarlatti développera notamment l' aria da capo : cet air avec reprise (a-b-a), permettra à des générations entières de virtuoses de la voix – au premier rang desquels les castrats – de s'illustrer et même de prendre littéralement le pouvoir dans l'opéra. Scarlatti aura également eu pour mérite de transformer le rôle de l'orchestre ; celui-ci, de simple accompagnateur, devient le véritable soutien de l'action dramatique.
Antonio Vivaldi (1678-1741), à l'autre extrémité de l'Italie, joue en quelque sorte les francs-tireurs. La musique instrumentale et religieuse du maître vénitien a peut-être fait oublier un peu trop vite qu'il se prétendait lui-même l'auteur de quelque quatre-vingt-quatorze opéras, dont l'un d'entre eux, Orlando furioso (1727) d'après le Tasse illustre bien son refus de la toute-puissance de l'aria da capo.
Mais le théoricien de l'opera seria est le poète officiel de la cour de Vienne : Pietro Métastase (1698-1782) auteur d'une trentaine de drammi per musica dont certains furent utilisés jusqu'à quatre-vingts fois par les compositeurs.
Le bel canto – initialement buon canto comme l'avait naguère baptisé Caccini – devait trouver dans l'opera seria un cadre à sa mesure. C'est contre les outrances de cette forme, où la prouesse vocale pouvait finir un jour par surpasser le reste de l'opéra, que Gluck décida plus tard de réagir. Mais, à l'exception de la France, où Rameau s'opposera de toutes ses forces à cette seconde vague italienne, toute l'Europe va succomber, et ce seront des musiciens non italiens qui vont s'affirmer comme les maîtres du genre.
En Angleterre, c'est un Allemand qui, après avoir séjourné quatre ans en Italie – à Rome, à Naples où il a rencontré Scarlatti, et à Venise – va devenir le grand prêtre de l'opera seria. Georg Friedrich Haendel (1685-1759) s'installe à Londres en 1712, où il composera trente-six opéras – dont plusieurs sur des livrets de Métastase –, depuis Rinaldo (1711) jusqu'à Imeneto et Deidamia (1741) en passant par Jules César (1724), Ariodante et Alcina (1735) ou Xerxès (1738). Les reprises récentes de plusieurs des œuvres scéniques de Haendel ont montré le génie mélodique du musicien qui, loin de se laisser enfermer dans une forme trop stéréotypée, sait y introduire des « accidents » (des innovations chromatiques). Son sens de la personnalisation dramatique, de l'individualisation des sentiments lui permet d'éviter l'ennui et de toucher bien souvent au sublime.
Plus cosmopolite encore, Johann Adolf Hasse (1699-1783) va courir l'Allemagne et l'Italie sa vie durant. Disciple de Scarlatti, il est l'auteur de cinquante-six opéras, dont plus de la moitié bâtis sur des livrets de Métastase. Surnommé « il caro Sassone » par les Italiens, il ne connut pratiquement jamais d'échec et influença très évidemment Mozart, qui admirait ses œuvres.
L'opera seria rencontre cependant des opposants. Même en Allemagne, où Georg Philip Telemann (1681-1767) tente bon an mal[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Jean-Vincent RICHARD
: journaliste et musicologue, rédacteur en chef aux
Nouvelles , rédacteur en chef deL'Avant-Scène musique
Classification
Médias
Autres références
-
NAISSANCE DE L'OPÉRA
- Écrit par Christian MERLIN
- 224 mots
Quand et où faire commencer l'histoire de l'opéra ? La date de 1600et la ville de Florence semblent le mieux correspondre à un acte de naissance. Le xvie siècle n'avait connu que des ébauches de théâtre musical : dans les fêtes princières et les chants de carnaval, le spectacle avait...
-
NAISSANCE DE L'OPÉRA - (repères chronologiques)
- Écrit par Christian MERLIN
- 314 mots
Vers 1550 Emilio de' Cavalieri naît à Rome.
20 août 1561 Jacopo Peri naît à Rome ou à Florence.
1581 Publication à Florence du traité de Vincenzo GalileiDialogo della musica antica e della moderna en faveur du chant soliste accompagné.
1598 Dafne de Jacopo Peri, sur un livret d'Ottavio...
-
L'OPÉRA DE QUAT'SOUS (B. Brecht et K. Weill)
- Écrit par Juliette GARRIGUES
- 338 mots
- 1 média
Le 31 août 1928, Die Dreigroschenoper (L'Opéra de quat' sous), « pièce avec musique » en un prologue et trois actes de Kurt Weill sur un livret de Bertolt Brecht, est créé au Theater am Schiffbauerdamm de Berlin. L'Opéra de quat' sous et Grandeur et décadence de la...
-
ADAMS JOHN (1947- )
- Écrit par Patrick WIKLACZ
- 1 969 mots
- 2 médias
L'œuvre la plus connue de John Adams est l'opéra Nixon in China (créé au Houston Grand Opera le 22 octobre 1987). Minimaliste et parfois proche de Stravinski, l'ouvrage a bénéficié de la collaboration du metteur en scène Peter Sellars et de l'écriture d'Alice Goodman. De cet... -
ADLER KURT HERBERT (1905-1988)
- Écrit par Encyclopædia Universalis
- 464 mots
Le chef d'orchestre Kurt Adler, directeur de l'Opéra de San Francisco, fit de ce dernier l'une des plus grandes scènes lyriques des États-Unis.
D'origine autrichienne, Kurt Herbert Adler voit le jour le 2 avril 1905, à Vienne. Formé à l'Académie de musique, au conservatoire...
-
AIR, musique
- Écrit par Michel PHILIPPOT
- 3 278 mots
- Afficher les 586 références