OPÉRA Histoire, de Peri à Puccini
Des destins exceptionnels
À partir des années 1840, cependant, l'histoire de l'opéra va se confondre encore davantage avec des destins personnels, la plupart du temps hors du commun, et dont les protagonistes choisiront soit d'aller à la rencontre d'une nation, soit de promouvoir une nouvelle vision du monde. C'est le cas de Berlioz, artiste romantique par excellence, c'est aussi celui de Verdi, artiste italien jusqu'au bout de la moindre cavatine, celui enfin de Wagner, romantique jusqu'à l'ivresse. C'est même le cas d'un Glinka, fondateur de l'opéra russe.
Mikhaïl Glinka
Les opéras de Mikhaïl Ivanovitch Glinka (1804-1857) sont entrés dans l'histoire de l'opéra autant pour leurs mérites artistiques que par leur situation de « premier chapitre » d'une nouvelle épopée lyrique nationale. En effet, Ivan Soussanine (1836) – l'œuvre fut rebaptisée Une vie pour le tsar, après avoir subi la censure tsariste – et Rousslan et Ludmila (1842), d'après Pouchkine, sont à l'opéra russe ce que les œuvres de Weber sont à l'opéra allemand. Ces deux premiers produits, tout chargés d'influences françaises, allemandes et surtout italiennes ne manquent cependant ni de charme ni de grandeur. On y décèle déjà cette griffe qui caractérise l'opéra russe, ce quelque chose d'éternel et de fatal dans lequel tout un peuple, héros principal de son propre opéra, aime à se voir et à se reconnaître.
Hector Berlioz
On s'est aperçu très douloureusement et très lentement en France, plus franchement et depuis plus d'années dans les pays anglo-saxons, mais très tard en tout cas, qu'Hector Berlioz (1803-1869) n'était pas cet aussi piètre faiseur d'opéras que trop de malentendus – entretenus bien souvent par le compositeur lui-même et par ses contemporains – le laissaient croire. La surprise chez Berlioz vient de ce qu'il pratique le drame dans toute sa musique (toute musique est par essence dramatique), au point qu'on a envie d'écrire que chez cet homme tout est opéra. Avec ou sans paroles. Les œuvres proprement lyriques de Berlioz ne connurent de son vivant aucun succès en France. Benvenuto Cellini (1838) tomba dès les premières représentations ; La Damnation de Faust (1846), véritable opéra de concert, ne passa pas la seconde ; quant aux Troyens, cette fresque immense en deux parties d'après Virgile (La Prise de Troie et Les Troyens à Carthage), qui retint Berlioz de 1856 à 1863, il ne fut pas représenté in extenso du vivant du compositeur (en 1890 seulement l'œuvre fut donnée intégralement, mais à Karlsruhe, et en allemand !) ; sans doute, Béatrice et Bénédict (1862) connut-il le succès lors de sa création, mais à Baden-Baden !
Et pourtant, que de richesses dans Benvenuto, véritable apologie de l'artiste romantique, et dans Les Troyens. Mais, malgré son admiration immense pour Gluck, en bon disciple de Beethoven, Berlioz ne fait aucune concession au texte : tout le drame est dans la musique. Dans cette mesure, Berlioz, qui rédige pourtant ses livrets lui-même, s'affirme comme l'anti-Wagner.
Au-delà des péripéties de la gloire et de la postérité, Berlioz incarne cependant au plus haut point ce génie de la musique française qui, malgré mille contradictions, de Rameau à Boulez, pense musique avant toute chose.
Giuseppe Verdi
Giuseppe Verdi (1813-1901) partage avec son contemporain Wagner (1813-1883) une traversée du siècle qui a souvent conduit leurs admirateurs et contempteurs respectifs à entrer dans des polémiques infinies, à juger l'un à l'aune du génie de l'autre. Les wagnériens français se sont particulièrement illustrés dans de stériles querelles et n'ont pas été les derniers, tant s'en faut, à proférer de sentencieux jugements du genre : « Même le dernier Verdi n'atteint pas le premier Wagner.[...]
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Écrit par
- Jean-Vincent RICHARD
: journaliste et musicologue, rédacteur en chef aux
Nouvelles , rédacteur en chef deL'Avant-Scène musique
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